L’ascension américaine du mont Aora΄i
Troisième plus haut sommet de Tahiti, le mont Aora΄i a fait l’objet d’une expédition scientifique américaine en 1839. Son ascension est relatée pour la première fois par l’explorateur Charles Wilkes, dans un ouvrage intitulé Narrative of the United States’ Exploring Expedition during the Years 1838, 1839, 1840, 1841, 1842, Condensed and Abridged.
Si le mont Aora΄i, à Tahiti, est le troisième plus haut sommet de l’île (2066 m), il n’existait vraisemblablement aucun écrit le concernant jusqu’en 1839, date à laquelle l’officier et explorateur de la marine américaine Charles Wilkes[1] décide de faire le récit de l’ascension par ses co-équipiers. Ces hommes arrivent en septembre 1939 à Tahiti dans le cadre d’une expédition à caractères scientifique et cartographique commandée par le secrétaire à la Marine des États-Unis. L’explorateur est le commandant de la United States Exploring Expedition (1838-1842) composée de six navires[2]. Relevé des ports, cartographie des côtes, mais aussi mesure des plus hauts sommets de Tahiti sont au programme…
C’est ainsi qu’une expédition est organisée pour l’ascension du mont Aora΄i comme le raconte Charles Wilkes dans son ouvrage qui semble très précis, bien que comportant quelques contradictions. Le point de départ mentionné du circuit emprunté par l’équipe, est « à l’arrière de Papeete », mais l’ascension se fait en réalité par la crête qui part du col du Tahara΄a plus communément appelée « cité Jay ». La descente, elle, se fait par une autre crête, le chemin actuellement emprunté pour atteindre le mont Aora΄i, depuis le Belvédère, à Pirae. Voici quelques extraits du récit :
« Après le départ du Vincennes, un groupe du Peacock, composé de M. Dana[3] et de quelques autres personnes, a obtenu du capitaine Hudson l’autorisation de partir pendant cinq jours, avec le projet de gravir le mont Aora΄i. Ils ont commencé l’ascension immédiatement à l’arrière de Papeete[4] et, à midi le deuxième jour, ils avaient atteint une altitude de 1 524 mètres, où ils se trouvaient sur une plate-forme d’environ douze pieds carrés[5] ; de là, ils avaient la vue sur la vallée de Matavai[6] à l’est, 600 mètres plus bas ; à l’ouest, ils surplombaient la vallée de Toanoa[7], une gorge d’environ 300 mètres de profondeur ; au sud, la plate-forme sur laquelle ils se trouvaient, était reliée par une étroite crête au mont Aora΄i, qui n’était apparemment pas très loin devant eux. À cet endroit, ils ont été obligés d’y passer la nuit en raison d’un brouillard qui les enveloppait. Les guides ne voulaient pas les conduire plus en avant, refusant d’avancer sur le dangereux chemin jusqu’à ce que les nuages disparaissent.
Le lendemain matin, le temps était clair et ils poursuivirent leur progression le long d’une crête d’une largeur maximale de 60 à 90 centimètres, avec de chaque côté un précipice de 600 mètres. De cette crête, en regardant vers le sud, le mont Aora΄i semblait être un sommet conique ; mais à son approche, il s’est avéré que c’était une paroi verticale. Le seul accès était un sentier étroit, avec de chaque côté des précipices, qui surpassait en pente ceux qu’ils avaient déjà franchis. La largeur de la crête dépassait rarement 60 centimètres ; et dans certains cas, ils s’asseyaient dessus à califourchon, ou étaient obligés de se mettre à quatre pattes pour traverser les broussailles. Enfin, ils atteignirent le sommet, où ils trouvèrent à peine de la place pour se retourner. La crête ne se prolongeait que sur une courte distance et était ensuite coupée par la vallée de Punaauia[8].
Du sommet d’ Aora΄i [9], ils avaient une vue magnifique; au sud, elle fut rapidement délimitée par les pics d’Orohena[10] et de Pitohiti[11], dont les versants escarpés s’élevaient de la vallée située au-dessous d’eux ; à l’est, ils avaient la succession de crêtes et de gorges qui caractérisent les paysages tahitiens ; à l’ouest, Mo΄orea [et Tetiaroa][12] se détachaient à l’horizon de la mer par une série de crêtes déchiquetées ; au nord, ils dominaient la plaine parsemée de bosquets de cocotiers et d’orangers ; et sur le port, avec ses navires et les récifs de coraux qui l’entourent.(…) »
Charles Wilkes précise dans son récit que peu de Tahitiens à l’époque se sont rendus au sommet, ces derniers s’arrêtant généralement à hauteur des zones fruitières. Plus haut le passage est difficile d’accès et l’eau rare. « Le manque d’eau qui, après quelques jours de temps sec, se fait rare même dans les vallées élevées, était une contrainte supplémentaire. Il est recommandé aux futurs voyageurs qui se rendent dans les montagnes de Tahiti de prendre des dispositions pour pallier cet inconvénient. Le groupe était tellement affligé que de profiter de la rosée sur les feuilles était comme un luxe. »
Cette ascension permet également de lever le voile sur la nature géologique de l’île : « M. Dana a signalé que la visite à Aora΄i avait définitivement conclu un point discutable de l’origine géologique de l’île. Il n’a trouvé sur son sommet ni coraux ni « coquilles à vis » », souligne dans ses écrits Charles Wilkes.
Texte : à partir de l’étude de Robert Veccella et des extraits de l’ouvrage de Wilkes Charles, Narrative of the United States’ Exploring Expedition during the Years 1838, 1839, 1840, 1841, 1842, Condensed and Abridged, édité à Londres en 1845 chez Whittaker and Co. – Photos : droits réservés SPAA – Archives PF
Le journal mensuel gratuit d’informations culturelles Hiro’a du mois de juillet (N°142) est sorti. Disponible aux points habituels ou bien téléchargeable depuis le site www.Hiroa.pf ou les autres sites partenaires.
Au sommaire : – guillaume Molle, Émilie Nolet et Louis Lagarde, chercheurs du centre international de recherche archéologique sur la Polynésie, – Sports et tradition, – Deux pirogues au mouillage à Nantes, – Deux livres pour héritage, – Te tahi mau fa’a’ohipara’a nō te ’ie’ie, te ’ō’aha, te ’ōfeo ’e te ’ofe – Un dauphin d’acier pour veiller sur les siens, – Le chant porte sa voix au Heiva i Tahiti, – Le musée de Tahiti et des îles se met au reo tahiti, – Quatre nouveaux titulaires de la carte d’artiste professionnel, – L’ascension américaine du Mont Aora’i, – Avenue Pōmare V, hommage au dernier roi de la dynastie Pōmare, – Redécouvrir le tiki a Moke.
TE PIHA FAUFA’A TUPUNA
participe activement cette année aux Festivités de la fête de l’orange du 21 au 23 juin 2019, à l’hôtel de ville de la Mairie de PUNAAUIA, en permettant la projection de films (et de photographies d’archives ? ) issues de ses fonds préservés au Service du patrimoine archivistique et audiovisuel du fenua.
Ce samedi 22 juin 2019 dans l’après-midi Rendez-Vous à PUNAAUIA pour visionner le films :
– Concert Te Hui Mana Punaauia
– Jumelage Punaauia Dumbéa 1991
– A Leontieff, commune de Punaauia
– Clip Maruia Dumbéa
– Hiro’a Leon Taerea
– Vues aériennes commune de Punaauia
– Les oranges sauvages de Punaruu
Venez nombreux aux festivités et bon visionnage !
En savoir + sur les films diffusés
AU GRAND THÉÂTRE
« Tabu » de Frederich W. MURNAU 1931 – 86 minutes – Anglais, VOSTF* – Nouvelle version HD
« Tabu » est le fruit d’une collaboration entre le documentariste Robert FLAHERTY et le metteur en scène Friedrich W. MURNAU. Leurs conceptions étaient diamétralement opposées. Robert FLAHERTY, qui avait pris le temps de découvrir l’île et de rencontrer ses habitants, avait écrit un scénario à la gloire de la vie traditionnelle, tout en dénonçant la corruption apportée par la civilisation. MURNAU, lui, voulait se servir de la beauté de l’île et des indigènes comme d’un décor exotique pour raconter une histoire romanesque. Friedrich W. MURNAU, qui était aussi le producteur du film, put imposer son point de vue et FLAHERTY refusa d’être crédité comme réalisateur. L’histoire : L’île de Bora-Bora, aux Iles Sous-le-Vent est un peu le paradis sur terre. La nature y est généreuse et ses habitants y vivent heureux et insouciants. Reri et Matahi s’aiment. Un jour, le vieux Hitu apporte un message : Reri a été choisie par le chef de Fanuma pour devenir la nouvelle vierge sacrée. Dès lors, Reri est tabu. Aucune loi des dieux n’est plus sacrée que celle qui protège l’élue. Aucun homme ne peut la toucher ou la désirer du regard pour son honneur et celui de son peuple. Alors que le village se réjouit de cet honneur, les amants sont désespérés. Matahi et Reri décident de s’enfuir.« Blaue Jungs » de Wolfgang SCHLEIF 1957 – 85 minutes – Allemand, VOSTF* – en couleur
Alors que leur croiseur fuit à l’approche d’ennemis, quatre marins sont laissés accidentellement sur une île de la mer du Sud. Après le premier choc, le groupe réalise rapidement qu’ils ont atterri directement au paradis…« Ariipaea Vahine » de Henri HIRO 1978 – 55 minutes – Tahitien, VOSTF* – Nouvelle version HD
Ariipaea passait du monde des hommes au monde des dieux, et la culture mā’ohi était vivante. Lorsqu’elle se convertit, les dieux cessèrent de lui parler, et la culture tahitienne mourut… Avec : Benoît HIRO, Kakoum FLORES, Hotu HUCKE, Raphaël TEHIVA, Temoaria TAPUTU, Charles PATU, Alphonse TEMATAHOTOA, Johnny ARAPARI, Taputu TAPUTU, Vaihere BORDES, Tumata ROBINSON, Faufine PAOFAI, Rigobert PAOFAI, Tiare BONNET, Henri HIRO et Heipua BORDES.AU PETIT THÉÂTRE
« Au cœur du Pacifique » de René MOREAU & Fabien FABIANO 1934 – 45 minutes – VOSTF
Ce film appartient au registre des films documentaires coloniaux français qui trouvent leur apogée dans les années 1920, lorsque la France a besoin d’asseoir ses positions géographiques et économiques dans le monde. En visite officielle à Tahiti, un député découvre les coutumes locales. Chansons, danses, pêche, et ce de Tahiti à Raiatea en passant par Huahine, les Tuamotu et les Marquises.« Tahiti Films » de Gaston GUILBERT 1944-1965 – 25 minutes – En musique – Nouvelle version HD
Les œuvres de Gaston Guilbert sont de courtes fictions contant marivaudages et scènes de vie polynésienne, des actualités et des scopitones de musique locale (la version années 50 des clips vidéo d’aujourd’hui).« De Gaulle à Tahiti » d’Emile TCHEN 1956 – 10 minutes – En musique
Lors de la venue de De Gaulle à Tahiti en 1956, Emile TCHEN est aux premières loges et filme tout son séjour avec sa caméra Bell & Howell 16mm à ressort. Il en résulte un film de 14 minutes sur le premier séjour du Général à Tahiti. Des images inédites et rares car à cette époque le général de Gaulle vit sa traversée du désert et les actualités françaises ne s’intéressent plus à lui.« Raau Tahiti (The Tahitians) » de James KNOTT 1956 – 50 minutes
Ce film nous raconte l’histoire de médecins qui essaient d’endiguer l’épidémie de filariose qui touche Tahiti. Avec : Anna GOBRAIT, Vahio TEROROTUA, Miri REI, Ben BAMBRIDGE, William A. ROBINSON, Tehapaitua SALMON, Taea TEPAVA, Tetua MAUU, Turia SALMON, Denise POTTIER, Greta SPITZ, Nancy et Nick RUTGERS, Irène de DEYN, Henry de MEYER et Irma SPITZ.« Les oranges sauvages de Tahiti » de Léon TAEREA 1988 – 25 minutes
Ce film nous emmène à Punaauia, dans la vallée de la Punaruu, sur les hauts plateaux de Tamanu pour une cueillette aux oranges sauvages.« Enchanted Isles » de Charles ALMOND 1949 – 16 minutes – Musique + voix off française
Un film documentaire rare qui retrace le périple de la goélette « Vaitere » et nous invite à découvrir la route du coprah et les îles Tahiti, Moorea, Tupai et les Marquises.« Manureva » de Claude PINOTEAU 1961 – 22 minutes – VF – Nouvelle version HD
L’aéroport de Tahiti-Faa’a vient tout juste d’ouvrir. « Manureva » nous invite à bord de la compagnie aérienne TAI pour un voyage jusqu’à Tahiti lors du Tiurai.EN SALLE DE PROJECTION
« Folklores des Gambier – Légendes » dirigé par Yves RAMBEAU 1975 – 43 minutes
Un groupe de danse de Rikitea, dirigé par Mme Ritia TIXIER et M. Ono TEAPIKI, nous contes des légendes dansées des Gambier.« Fare mā’ohi » de Henri HIRO 1980 – 13 minutes
Henri Hiro qui nous présente son « fare mā’ohi », une habitation qui respecte la nature, à l’ancienne, construit en bois et en matériaux naturels et adapté à une vie simple et écologique. Les interviews sont menées par David MARAE.« Pâques à Tahiti » de Bernard HENRION 1976 – 53 minutes
L’émission “Pâques à Tahiti – Pakete i Tahiti” est constituée d’interviews ponctuées de chansons polynésiennes.« Le retour du Bataillon du Pacifique » de Charles HOLLANDE 1946 – 10 minutes – En musique + voix off John MARTIN
Un film à la mémoire des 600 volontaires Calédoniens, Tahitiens et Néo-Hébridais qui vont former « le Bataillon du Pacifique »Illustrations : Umete de Raivavae ; ‘ava ; gravure illustrant des feuilles de ‘ava
Synthé : Umete de Raivavae ; ‘ava; Australes ; XVIIIème siècle ; Paris 1989 Tahiti
E ‘ūmete iti puru roa vau no Raivavae, motu iti no te ta’amotu Tuhaa Pae mā.
A māta’ita’iri’i mai na i tō’u ha’amanira’a ta’a’e. A tahi, i tō’u huru hinuhinu maitai i nana’ohia atu ai au i te mau nana’o una’una no tāua tau ra, iā’u ihoa ho’i i te ravera’a tumu no tāua ta’amotu ra. A piti, i tō’u ‘auaha i te mani’ira’a i paohia i tō’u roara’a. Na tō’u ho’i mau una’una rau e te nehenehe ta’a’e e ha’apapu e, e ‘ūmete au na te feia tiara’a toro’a teitei no tāua tau ra.
E’ita paha e ‘ore e, e ‘ūmete inura’a ‘ava mā’ohi au, inaha te vi’ivi’i haereri’i noa ra vau i te parapara maro o te ‘ava mā’ohi. No teie tau rii noa nei, te ha’amatara’ahia i te mau tuatāpapara’a e te mau tītorotororaa i te rave papuhia ai i te taamotu Tuhaa Pae mā. No te tahi ato’a paha ia tumu i ‘ore ai i tōna ra parau i atutu haere rahi ai.
I riro ato’a na ra i te mau tao’a rii tahito no reira ei tapiho’ora’a rahi na te mau popa’ā i te XIX ra’a o te tenetere, a rahi ato’a i te ha’ara’a tao’a rima’ī i reira.
O vau iti nei ra, e tao’a i te tahi toro’a atu a vau, e riro ra e no te XVIII paha no te tenetere.
‘Aua’a a’e maoti ho’i o to tātou Fare Teanavaharau i ite hia e au i roto i te hō’e fare fa’a’ite’itera’a tao’a tahito i Paris. Mai reira mai, e i te matahiti 1989, ua fa’aho’ihia mai au i te fenua nei, i rotopu i tō’u iho nuna’a ei te’ote’ora’a ‘ā ‘e au nā na.
Production: ICA (SPAA) / CPSH (Service de la Culture et du Patrimoine) / RFO Polynésie (Polynésie 1ère) / Musée de Tahiti et des Îles, Collection Archives PF
Illustrations : Umete de Raivavae ; ‘ava ; gravure illustrant des feuilles de ‘ava
Synthé : Umete de Raivavae ; ‘ava; Australes ; XVIIIème siècle ; Paris 1989 Tahiti
Je suis un umete, un petit bol originaire de Raivavae aux îles Australes. Mes mensurations: 48,7 centimètres de long et 19,5 de large.
De forme lenticulaire typique des îles Australes, je suis entièrement recouvert sur ma surface externe de motifs géométriques très fins et très stylisés. Ce type de sculpture est spécifique de mon île natale et hélas trop peu connu de nos jours.Mes lèvres planes elles aussi décorées, se rejoignent à l’une de mes extrémités en une petite protubérance et s’interrompent de l’autre pour former un bec verseur.
Trop richement décoré pour être un simple récipient à usage commun, je suis un bol cérémoniel réservé aux grands chefs, d’où ma très grande rareté. Certains pensent que je suis un rince doigts, mais je devais plus sûrement servir à boire le ‘ava dont on a trouvé trace sur mes parois intérieures.
Contrairement à d’autres régions, les îles Australes ne furent étudiées que tardivement. Les objets ethnographiques de ces îles sont donc moins connus, mais ils ont constitué une source importante de troc avec les Européens au XIXème siècle donnant lieu à une véritable industrie de curios. Moi, je suis un objet ancien, certainement du XVIIIème siècle et je suis revenu en Polynésie en 1989 après que le Musée de Tahiti et ses îles m’ait trouvé dans une galerie d’art à Paris.
Production: ICA (SPAA) / CPSH (Service de la Culture et du Patrimoine) / RFO Polynésie (Polynésie 1ère) / Musée de Tahiti et des Îles, Collection Archives PF
En septembre 1849, le Ministre de la Marine et des Colonies Victor Tracy reçut une lettre du Commissaire de la République Charles-François Lavaud, datée du 7 avril 1849, lui annonçant la volonté de quelques chefs tahitiens de voir la Reine Pomare IV divorcer de son mari Ariifaite.
Le Ministre écrivit alors au nouveau Commissaire Louis-Adolphe Bonard pour lui demander son avis, en joignant à sa lettre une copie de la lettre de Lavaud. (Remarquons que la lettre de ce dernier commence par cette entrée en matière : « Citoyen Ministre »…)
Ces deux documents se trouvent dans le recueil de la correspondance du Ministre au Commissaire de la République pour l’année 1849. Elles sont assez difficiles à lire, l’humidité ayant fait pâlir l’encre.
« Je reçois de M. le capitaine de vaisseau Lavaud une lettre du 7 avril 1849, dont vous trouverez ci-joint copie à titre confidentiel, et par laquelle il m’informe du désir qui lui a été exprimé le 28 mars, par le Régent [Paraita] et le chef Tati, de faire cesser le mariage de la Reine, pour cause d’inconduite de son mari aux Îles Sous le Vent, et du projet qu’ils avaient de la marier avec un des cousins ou neveux du Roi Kaméhaméha des îles Sandwich. ».
Le prince époux Ariifaite n’était pas revenu à Tahiti. Bel homme, il avait connu, pendant ses années d’exil aux Îles Sous-le-Vent (1844-1847), alors que la guerre se déroulait à Tahiti, quelques “bonnes fortunes” dont l’une le retenait. En outre, loin du protocole, il se livrait, écrit par ailleurs Lavaud, « à ses habitudes d’ivrognerie ». et aussi de violence.
Lavaud avait résumé les raisons données par les chefs pour envisager un tel scénario : « 1° que le mari de la Reine étant un mauvais sujet, d’une conduite déréglée, son absence prolongée n’indique que trop l’intention où il est de ne plus revenir à Taïti, et d’abandonner sa femme et ses enfans ;2° que, dans cette situation, il est bon, pour le pays et pour la Reine elle-même, qu’elle se marie, afin d’éviter, ce qui pourrait arriver, que son état de veuvage, la conduisît à une faiblesse ;3° et enfin, que, ne pouvant rester veuve suivant l’usage du pays, dans cette prévision, il fallait, à défaut d’un Taïtien capable de s’unir à elle, trouver quelqu’un d’honorable, et que leur choix était tombé sur le parent du Roi Kaméhaméha Reorio. ».
Qu’est-ce qui peut bien expliquer ce choix ?
Le Roi régnant sur les îles Sandwich en avril 1849 était Kamehameha III (1813-1854). Reorio devait être son neveu Liholiho (1834-1863), qu’il avait adopté et avait désigné comme étant son successeur. (Il devint effectivement, à vingt ans, roi des Îles Sandwich, en 1854.)
La Reine a trente-six ans, Liholiho en a quinze…
Lavaud pensait que, politiquement, une telle alliance n’aurait pas « d’autre résultat politique que celui qui pourra résulter de l’influence du mari pendant la vie de la Reine, puisque l’hérédité est assurée par de nombreux enfants ».. Il ne disait pas s’il avait connaissance des arrière-pensées des chefs. Le “parti protestant” voyait sans doute d’un bon œil cette union avec un royaume où la religion protestante était bien implantée.
Le projet, on le sait, ne fut pas concrétisé.
De fait, en juin, la Reine se rendit à Raiatea, et le 15 juin 1849, Lavaud pouvait écrire : « J’ai été accueillir la reine et la complimenter : ma position était d’autant meilleure que j’avais été opposé à l’idée d’un devenir que je savais ne pas être profondément mûri par elle ». Il sermonna Ariifaite, le menaçant de « lui faire application de la loi, comme aux chefs qui se conduisent mal ». « [Il] m’a déclaré avoir depuis longtemps le désir de se rapprocher de sa femme et de se conduire comme il convient à un homme qui occupe une position comme la sienne ». (cité par B. de La Roncière, La Reine Pomaré, 2003)
Tout était redevenu “normal” dans le couple royal, quand Bonard reçut les demandes d’éclaircissements du Ministre : « Je vous prie de me donner votre avis à ce sujet dans le plus court délai possible ». On touche du doigt le grand problème de l’époque : l’extrême lenteur des communications. Le Ministre avait reçu en septembre une lettre qui lui avait été adressée en avril !
Et peu de temps après, il allait apprendre qu’en août, l’amiral Tromelin avait déposé un ultimatum auprès du roi Kamehameha III pour lui demander réparation des exactions envers les catholiques et des torts causés aux commerçants français. N’obtenant pas satisfaction, les troupes françaises avaient débarqué, pris le fort de Honolulu, désarmé la ville, actions alors qualifiées de pillage par les Anglais. De plus, il s’empara du schooner Kamehameha et l’envoya à Tahiti.
On peut penser qu’il s’agit de ce bateau qui est ainsi mentionné dans le Messager de Tahiti n° 2 du 3 octobre 1852 : « Mouvements du port de Papeete – Bâtiments entrés – 27 septembre. La goélette coloniale »