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Cette lettre manuscrite d’une page est conservée dans un des recueils de la Correspondance du Ministre Secrétaire d’État de la Marine et des Colonies au Gouverneur des Établissements français de l’Océanie. Le Ministre était alors le baron de Mackau, Vice-Amiral, Pair de France.

Cette lettre est datée du 16 novembre 1846. Elle est arrivée à Tahiti le 25 novembre 1847 par le navire Étoile du Matin. En novembre 1846, Bruat n’était plus, officiellement en France, le Gouverneur des établissements français dans l’Océanie. En effet, le Roi avait nommé à sa place, le 6 septembre, le capitaine de vaisseau Lavaud. Mais il va rester en place jusqu’à l’arrivée de ce dernier à Tahiti le 22 mai 1847. La lettre s’adressait donc à Lavaud. Elle l’informait d’un prochain envoi de médailles “pour les divers chefs dont M. Bruat a signalé, dans ses derniers rapports, la bravoure et les fidèles services“.

En plus de ces “médailles d’honneur en or“, il y avait la Légion d’honneur pour le Régent Paraïta.

Qu’avait donc fait celui-ci pour recevoir cette récompense ?

Paraita (1787-1865) avait été, avec Utami, Hitoti et Tati (et également Paofai, malgré son absence lors de la rédaction du texte), signataire de la sollicitation du protectorat de la France le 9 septembre 1842. À cette date figurait déjà le titre de régent à côté de sa signature.

Après le désaveu du Roi Louis-Philippe concernant l’annexion du royaume de Pomare IV prononcée par Du Petit-Thouars, le protectorat fut rétabli par l’amiral Hamelin le 7 janvier 1845. Paraita redevint Régent. Pendant tout le temps du conflit qui opposa les soldats français aux Tahitiens qui soutenaient la Reine et le “parti anglais”, Paraita resta partisan de la France. On l’a vu combattre avec des volontaires tahitiens de 1844 à 1846.

En reconnaissance des services qu’il a rendus à la France, Bruat a donc demandé que la Légion d’honneur lui soit décernée. Un peu plus tard, en 1847, il écrivait à son propos : « D’accord avec Tati, Hitoti et Utami, il fut le premier à demander notre intervention et, depuis telle époque, son courage politique n’a jamais failli. […] Il exerce une grande influence sur toute l’île. […] Sous une enveloppe qui paraît lourde, il a de la finesse, du jugement et beaucoup d’esprit de conduite. On lui reproche de défendre ses intérêts avec trop d’acharnement. La Reine le craint »[1].

Vers 1853, il est ainsi décrit : « Ce fonctionnaire jouit, aujourd’hui, d’une influence énorme, qu’il étend tous les jours, avec une habileté et un esprit de suite qu’on ne reconnaît qu’à la longue. Très dévoué au gouvernement du Protectorat dont il est un des fondateurs et sait que la retraite des Français serait non une cause de ruine, car il est assez rusé pour en conjurer les conséquences, mais causerait un ébranlement, qu’il redoute. Malgré l’obésité de l’enveloppe, c’est, peut-être, l’un des esprits les plus déliés qu’il y ait parmi les Indiens. On peut lui confier certaines missions délicates. Son dévouement et son habileté les font obtenir. Son principal défaut est la rapacité, mais il sait néanmoins être généreux, au besoin. Sa nature et ses fonctions en font un antagoniste, presque naturel, de la Reine à qui il fait contrepoids. Paraita n’a pas de brillantes qualités, il est peu apte à parler en public».[2]

Malgré ces appréciations assez élogieuses quant à son rôle politique, le personnage était perçu plutôt négativement en France. Dans le journal Le Constitutionnel n° 320 du 15 novembre 1846, on pouvait lire, à propos de la décoration qui lui a été accordée : « […] Telle est cependant la puissance des souvenirs qui s’attachent à la Légion-d’Honneur, que nos soldats et nos officiers se croient noblement récompensés de leur bravoure, lorsqu’ils obtiennent la croix. Quelques décorations bien méritées ont été données à Taïti, par exemple. Mais était-il bien sérieux et bien intelligent d’enrôler dans la Légion-d’Honneur ce mannequin nommé Paraïta, que nous avons honoré du nom de régent, et dont les fonctions et la liste civile consistent principalement dans le monopole du blanchissage ? Ne pouvait-on récompenser ses services autrement que par la croix d’honneur ? Voici ce que nous écrivait l’année dernière notre correspondant de Taïti[3] : On a établi à Taïti un mannequin décoré du titre de régent, sous le nom de Paraïta. Ce vieux chef touche une pension de 5 à 6 000 fr. Or, comme il est très économe, il a cherché à augmenter son revenu par une petite industrie qui ne laisse pas que d’être fort lucrative. Ce haut et puissant seigneur coule la lessive deux fois par semaine, et profite de sa haute position sociale pour accaparer la clientèle des officiers de la marine royale, à qui il ne manque jamais d’aller rendre visite à leur arrivée en rade ; puis, les premiers complimens terminés, il fait un paquet du linge sale de tout l’état-major, qu’il emporte chez lui, et qu’il lave ensuite en famille. J’ai eu l’honneur de la lessive, dont le prix est invariablement fixé comme il suit : 5 fr., ou une piastre pour douze pièces indistinctement. – Nota. Vous fournissez le savon ; on ne répond pas des pièces égarées.»

Cet article malveillant éclaire bien le décalage entre la réalité polynésienne et la vision que s’en fait une certaine “élite” parisienne, plus prompte à démolir qu’à chercher à comprendre l’Indigène du bout du monde, habile profiteur d’un système qui lui a été imposé.

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[1]             Cité par O’Reilly, Tahitiens, Paris, 1975. [2]             Document présenté par le commandant Cottez, dans le BSEO n°112, 1955. [3]             Il s’agit peut-être d’Edmond de Ginoux, qui fut à Tahiti le rédacteur de L’Océanie française, de mai 1844 à juin 1845.

Ce dossier est constitué de dix pièces manuscrites et une dactylographiée.

Au départ de cet échange, il y a une lettre de l’observatoire, aux îles Samoa, de la Société Royale des  Sciences à Gottingen, partie de Apia et datée du 18 décembre 1905. De cette lettre, on ne possède que la traduction qui a été demandée au Consul d’Allemagne à Tahiti, M. Hoppenstedt, par le Secrétaire général, qui en accuse réception le 7 février 1906.

Il apparaît qu’aucune suite n’y a été donnée, et le 28 juin 1906, le Directeur de l’Observatoire écrit une deuxième lettre. Celle-ci est confiée au Consul, qui la renvoie avec la traduction le 10 juillet, évoquant la lettre précédente du 18 décembre. Le 23 juillet, le Gouverneur Jullien le remercie et lui demande de lui fournir une copie de la première lettre, ce qu’il fait le lendemain 27 juillet. Enfin, le 10 août 1906, le Gouverneur répond au Docteur Linke, Directeur de l’Observatoire d’Apia.

Les É.F.O. viennent de vivre des moments difficiles : les îles Tuamotu ont été frappées par des cyclones en janvier 1903, mars 1905 et février 1906. À cette dernière date, le phénomène a aussi touché Tahiti, mêlant vents puissants et raz-de-marée, qui détruisent la moitié de Papeete.

Le Directeur de l’observatoire des Samoa considère qu’il est « de son devoir de pousser à des études sur les cyclones dans le grand Océan ». Dans ses deux lettres, ses questions et ses arguments sont les mêmes.

D’abord : le gouvernement de É.F.O. ne serait-il pas « disposé à coopérer à nos opérations » en installant des stations d’observations météorologiques ? Les observations journalières « se composeraient d’observations du baromètre et de la direction et de la force du vent ». Il est précisé que l’opération ne serait pas onéreuse « puisque de bons baromètres à mercure peuvent être obtenus pour environ fcs.120 ».

Ensuite : l’observatoire a déjà « reçu l’assentiment des gouvernements des îles Gilbert, Ellice, Tonga, de Nelle Zélande, Niue » ; des observateurs sont en place aux îles Fanning, Christmas. « Il serait donc d’un grand avantage si quelques-unes des stations françaises pouvaient fonctionner déjà pendant la saison des cyclones ». La diplomatie n’est pas absente : « En exprimant l’espoir que la représentation de la République française au Pacifique conservant les traditions [de la] nation française de se mettre volontiers au service des sciences internationales, je vous prie, etc ».

Enfin, le Directeur assure que les traitements des données recueillies seront l’objet de rapports envoyés régulièrement « aux sociétés et gouvernements coopérateurs », et un service d’avertissement sera mis en place par l’observatoire quand la pose des câbles sous-marins le permettra.

Le Gouverneur, très sensibilisé par les phénomènes cycloniques, répond que des stations sont déjà en place dans les É.F.O., qu’il a prescrit d’en installer aux ÎSLV, aux Marquises et aux Gambier, et qu’il enverra à l’observatoire toutes les informations demandées « pouvant servir à vos observations relatives à la marche des cyclones dans l’Océan Pacifique ».

Dans l’immédiat, en septembre 1906, l’administrateur des Tuamotu Charles Marcadé fait paraître dans le J.O. des É.F.O. un « Manuel de météorologie appliquée à la prévention des cyclones en Océanie ».

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icone_encre_couleurs-en-coursCe document est une grande feuille de format 32,5×42 cm, d’abord pliée en deux. Cela donne 4 pages de format 21×32,5. La 1ère page est écrite en tahitien ; il n’y a rien sur la 2ème. Sur la 3ème, on lit la traduction en français. Sur la 4ème figure l’adresse : « Madame Bruat / Na Burua Vahine / Farani / Lettre de Pomare Arii ». Cette grande feuille a été pliée de sorte qu’elle se présente comme une lettre dont le dernier pli était collé et « scellé » par le cachet (coupé en deux après l’ouverture) : « ARII NO TAHITI É MORÉA && / POMARÉ VAHINE ».

À cette époque, le gouverneur Lavaud poursuit la politique engagée par Bruat (qui a quitté Tahiti en mai 1847), avec cependant plus de détermination à bien définir les conditions de fonctionnement du protectorat, conditions acceptées par la Reine dans la Convention qu’elle a signée le 5 août 1847.

Le 17 décembre 1847, la Reine Pomare IV accouche d’un cinquième garçon. Dans une lettre qu’il adresse au ministre à Paris, le gouverneur écrit que la Reine, avant la naissance, lui avait exprimé le désir que cet enfant « prît le nom d’un des fils du Roi des Français qui aurait eu alors sur cet enfant les mêmes droits que son père. […] J’ai répondu immédiatement par le nom de Joinville ».

François d’Orléans, prince de Joinville (1818-1900), est le 3ème fils (et 7ème enfant sur 10) du Roi Louis-Philippe, duc d’Orléans, et de Marie-Amélie de Bourbon. C’est un brillant officier de marine, qui se distingue sur de nombreux théâtres de conflits navals. (Son nom reste attaché au transfert des restes de Napoléon 1er en 1840.)

On sait l’importance du nom dans la mentalité tahitienne. La Reine, par ce lien, pensait créer une véritable alliance. Lavaud, qui n’a pas, comme Bruat, une connaissance et une empathie réelles pour les Tahitiens qu’il côtoie, semble se moquer : « Ces détails tout puérils qu’ils puissent paraître ont une haute portée politique ! »

Pendant quelques mois, de février à mai 1847, Pomare IV avait pu apprécier la gentillesse et la courtoisie du couple Bruat. Elle est sincèrement désolée de leur départ. Cette lettre qu’elle écrit à Madame Bruat semble ne pas être la première : « Mes lettres vous sont-elles parvenues, ou ne les avez-vous pas reçues ? » Elle exprime ainsi sa tristesse : « J’ai pour vous une vive affection. Mon cœur est plein de chagrin de votre absence ».

Elle annonce à son amie qu’elle a prénommé son nouveau-né Tuavira : « C’est le gouverneur qui l’a donné, et c’est là ce qui représente en tahitien le nom du fils de Louis-Philippe ». On pourrait penser que le courant passe bien entre elle et Lavaud, qui est le parrain. Mais deux jours plus tard (le 3 avril 1848), dans une autre lettre qu’elle adresse à Bruat, elle écrit : « Je n’ai pu m’accorder avec le nouveau Gouverneur. Il ne prête point l’attention à mes paroles. […] ». En fait, Pomare IV commence à prendre conscience des limites de son pouvoir, et elle espère avoir l’écoute directe des autorités à Paris. Or en février 1848, la Révolution a chassé Louis-Philippe, et Bruat, après quelques mois à Toulon, va partir comme gouverneur aux Antilles.

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icone_encre_couleurs-en-coursPaul Huguenin (1870-1919) et son épouse séjournèrent dans les É.F.O. de 1896 à 1899. De nationalité suisse, ils œuvrèrent dans l’enseignement protestant à Raiatea. C’est l’état de santé de Paul qui les firent revenir en Europe. En 1902, il publia Raiatea la sacrée, puis, en 1912, Aux Îles enchanteresses.

Eugène Caillot (1866-1938) était musicien, voyageur et historien de la Polynésie. Il fit deux séjours dans les É.F.O. : en 1900 et en 1912-1913. Il publia en 1909 Les Polynésiens au contact de la civilisation, et en 1910 Histoire de la Polynésie orientale, puis trois autres ouvrages en 1914 et 1932.

Il est probable que c’est par la lecture de leurs ouvrages qu’ils furent amenés à entrer en communication. Il semble que leur relation soit restée épistolaire.

Les trois premières lettres sont datées de 1912 et envoyées de La Tour-de-Peilz (ville de Suisse, canton de Vaud, près du lac Léman) où leur auteur résidait.

La première, du 4 février 1912, nous apprend que Huguenin était au courant du départ prochain pour les É.F.O. de celui qu’il qualifie “d’explorateur“. Il espère que sa lettre arrivera avant son départ. Il annonce qu’il a l’intention de publier « a traduction illustrée d’un récit de voyages et d’aventures d’un Américain aux Îles Marquises en 1842 » et il demande à Caillot si celui-ci pourrait « (lui) communiquer les photographies (qu’il a) prises aux Îles Marquises et à quelles conditions ? »

Le 26 février, il écrit à nouveau à Caillot, qui a répondu à la première lettre le 15 février « la veille de votre départ ». Sachant son correspondant parti de France, il lui adresse ce courrier à Papeete, en « poste restante », en précisant « via New-York et San Francisco ». Au dos de l’enveloppe apparaissent les tampons postaux de ces deux villes : New-York le 6 mars, et San Francisco le 10 mars.

« Je ne sais pas si ces quelques renseignements pourront vous être de quelque utilité », précise-t-il. En fait, sur quatre pages, Huguenin évoque ses souvenirs et énumère un grand nombre de ceux qu’il a connus. « Je vous serais infiniment reconnaissant, cher Monsieur, si vous consacriez quelques jours à voir mes fetii, et spécialement mon fils adoptif, Riti tane, fils de Taumihau ». Il lui en demande même une photo. Il lui recommande plusieurs personnes : les deux demoiselles Bouzet, « femmes de grand savoir, munies de nombreux brevets, décorées des palmes académiques, qui dirigent avec un dévouement magnifique les Écoles françaises indigènes de Papeete », la famille Goupil, le Procureur de la République Charlier… Par contre, il faut qu’il se méfie des frères Gooding, du Sieur Brunel, le missionnaire protestant d’Uturoa, « qui surveille jalousement les indigènes ». En règle générale, il le met en garde : « En ces lieux retirés, il faut être prudent et se défier plutôt que de se confier ». Il termine en exprimant le plaisir qu’il aura à lire « les beaux ouvrages que vous nous donnerez ».

La troisième lettre est daté du 31 juillet, postée le même jour. On apprend d’abord qu’une lettre de Caillot postée à Papeete le 18 avril est parvenue à Huguenin le 30 mai. L’explorateur lui a annoncé qu’il se rend à Mangareva pour six ou huit mois. « J’espère que les bons Pères ne vous auront pas causé d’ennuis pendant votre séjour aux Gambier et que vous aurez réussi pleinement dans la mission scientifique que vous vous êtes imposée ». » Pour lui être utile dans ses recherches ethnographiques, Huguenin dresse à nouveau la liste de ceux qu’il connaît à Raiatea. C’est un prétexte pour évoquer ces gens qui lui sont chers, en premier son « fetii Taumihau tane, un homme serviable, dévoué et désintéressé, le père de mon enfant adoptif Riti-tane ». Il demande des nouvelles d’une douzaine de personnes. « Je me demande si les enfants de Raiatea chantent encore les quatre-vingt et quelques chants, chansons, couplets que madame Huguenin leur avait appris. De notre temps on n’entendait dans la brousse que “Montagnes Pyrénées“, “Allons enfants de la Patrie“ etc, etc. » Il lui en demande « quelques bons clichés, même de petites photographies 6 1/2 x 9 ».

Caillot a proposé d’apporter à Raiatea des cadeaux qu’Huguenin pourrait envoyer de Suisse à ses fetii. Il le remercie. « Pour ne pas faire de jaloux, il faudrait que j’expédie un vrai bazar dans une caisse par Bordeaux. C’est trop compliqué. J’aime mieux attendre d’y aller moi-même.»

On apprend qu’il a en projet de faire le tour du monde avec un de ses amis qui a déposé « plusieurs brevets d’invention, entre autres pour des appareils électro-médicaux […] et que je m’occupe de lancer sans pour cela abandonner la peinture ». Ce serait une tournée promotionnelle, aux États-Unis et au Japon entre autres, avec un séjour de quelques mois à Tahiti et à Raiatea. Il emporterait son matériel de peinture, un appareil photographique, « un appareil enregistreur de cinématographe et un graphophone pour tâcher de fixer définitivement et de sauver de l’éternel oubli ce qu’il y a encore d’original parmi les mœurs de ce beau peuple qu’on “civilise“ à tour de bras, ce qui est un grand malheur à mon humble avis ».

Enfin il espère recevoir encore des nouvelles de lui dans l’année.

Il est probable que le manque de moyens et la guerre n’ont pas permis la réalisation de son rêve de voyage.

La quatrième lettre est datée du 27 novembre 1918. Elle est postée le même jour et adressée à Monsieur Eugène Caillot, 8 Rue de Turenne, Paris. Au dos de l’enveloppe, l’expéditeur ajoute à son nom « Artiste-Peintre ». Paul Huguenin écrit de son lit dans l’Hopital cantonal de Lausanne. Il remercie son correspondant de lui avoir envoyé son dernier ouvrage Mythes, Légendes et Traditions des Polynésiens, qu’il a reçu « au surlendemain d’une opération douloureuse et bien réussie, et comme je dois garder le lit ici pour dix jours encore, la lecture de votre œuvre me procure les plus beaux moments en me faisant pour ainsi dire revivre au milieu de mes chers Tahitiens ». Il annonce qu’il en fera le compte rendu dans le prochain bulletin de la Société neuchâteloise de Géographie. Il aimerait recevoir l’ouvrage Épisodes d’un voyage autour du monde (1899-1903), lui proposant en échange son livre Aux Îles enchanteresses. Il lui propose ses services : « Si jamais vous avez besoin d’un dessinateur pour illustrer vos futurs ouvrages, je serais charmé d’être votre homme ».

Mais ce nostalgique des îles du Pacifique sud est gravement malade. Il meurt chez lui le 11 mai 1919. Dans l’édition de 2011 de Aux Îles enchanteresses[1], il est dit (en note de l’éditeur) : « D’après un témoignage familial, Paul Huguenin avait ramené des îles une blessure à un pied causée par un poisson volant. Cette blessure, jamais guérie, a fini par donner un cancer mortel […] » ».

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[1]     Paul Huguenin, Aux Îles enchanteresses sous le vent de Tahiti, Haere Po, 2011

Fonds Agostini

icone_encre_couleurs-en-coursCe texte dactylographié, sans date, reproduit des extraits d’une délibération du Conseil d’Amirauté de France en date du 28 mai 1885.

Placé sous la tutelle du Ministère de la Marine et des Colonies à Paris, ce Conseil avait pour fonction de donner un avis consultatif sur tous les sujets se rapportant à la législation maritime et coloniale, l’organisation, la direction et l’emploi des armées navales, l’administration des colonies, le service général de la marine et des colonies, les modes d’approvisionnement, les travaux et les constructions maritimes. Créé en 1824, il fut supprimé en 1889.

Il s’agit dans ce texte d’un avis donné à propos de Rapa.

Il faut rappeler quelques détails concernant cette île une vingtaine d’années auparavant.

t013-001Sur la route Sydney-Wellington-Panama, la Panama New-Zealand and Austalian Royal Mail Company mit en service quatre vapeurs : Kaikoura, Mataura, Ruahine et Rakaia.

La ligne fonctionna de 1866 à 1869.

Ce service mensuel transportait le courrier et des passagers venus d’Angleterre par l’Océan Atlantique et l’isthme de Panama (lequel était traversé en train, le canal n’existant pas encore). Le prix du passage était de 65£ pour un Wellington-Panama (27 jours), et 100£ pour un Wellington-Southampton. Concerts et théâtre étaient proposés à bord.

Cette ligne passait au sud de Rapa.

Vers 1860, quelques voix s’élevèrent en Grande-Bretagne demandant de faire de Rapa un port anglais. Mais rien ne fut entrepris en ce sens.

t013-002C’est en décembre 1866 que le Kaikoura s’y arrêta pour la première fois, et il fut décidé d’y établir une soute à charbon. (Le mouillage dans la baie était considéré comme un des « meilleurs du monde ». La consommation des navires était considérable : 28 à 36 tonnes par jour. Un terrain d’environ deux hectares fut acheté à cette fin, et des pontons furent ancrés pour permettre de charbonner.

Pendant plus de deux ans, l’île fut donc une escales régulière de ces steamers.

Mais la ligne n’était pas rentable, malgré la publicité qui parlait d’un « voyage direct, agréable et bon marché ». Elle devint impopulaire car les passagers qui devaient traverser l’isthme contractaient des fièvres. De plus, l’ouverture de la liaison ferrée de San-Francisco jusqu’à l’Atlantique entraîna son abandon.

Le gouvernement français, qui jusqu’alors ne se souciait guère de Rapa, réagit dès que l’escale fut connue. Le 28 avril 1867, un acte particulier, dressé et signé par le roi Paarima, les chefs et le lieutenant Méry, agissant au nom du commandant des Établissements français, ratifia notre intervention dans les affaires du pays. Le 12 décembre de la même année, M. Caillet, lieutenant de vaisseau, y fut nommé résident : il remplit ces fonctions jusqu’au 20 avril 1869, ce qui correspondait à l’abondon de la ligne par la Compagnie.

t013-003Mais l’intérêt des Anglais pour Rapa semble ne pas avoir été abandonné.

Dans la Délibération présentée ici, le Conseil d’Amirauté se prononçait sur la question : « Convient-il de céder en toute souveraineté l’île de Rapa à l’Angleterre contre l’engagement de sa part de donner son assentiment à la prise de possession, sous une forme quelconque, de l’archipel des Nouvelles-Hébrides ? »

Le Conseil était d’avis qu’il ne fallait pas céder Rapa aux Anglais car ils pourraient faire de cette île un entrepôt commercial important concurrençant le reste des É.F.O., ainsi qu’une base militaire bien située et menaçante pour notre colonie en temps de guerre (L’entente cordiale ne sera signée qu’en 1904). D’autre part, la question de la possession des Îles Sous-le-Vent restait en suspens. (Elle ne sera réglée qu’en 1887, avec l’abolition de la Convention de Jarnac.) Quant à l’intérêt que pourraient avoir les Nouvelles-Hébrides, la présence de colons français ne justifiait que des mesures de protection, une annexion pouvant entraîner de « graves difficultés internationales ».

L’île de Rapa n’était alors que sous la protection de la France. Elle fut annexée le 16 juin 1887.

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Sources :

Charles Pierre Claret, comte de Fleurieu (1738-1810) est entré dans la marine à l’âge de 14 ans. Il participa à des campagnes militaires, puis se spécialisa dans l’horlogerie de marine. Il fut à l’origine des premières montres fabriquées en France permettant la mesure précise de la longitude. Il fut promu lieutenant de vaisseau en 1773. En 1790, il devint Ministre de la Marine et des Colonies. Pendant la période révolutionnaire, en 1793 et 1794, il fut emprisonné. Il commença une carrière politique en 1797 sous le nom de Claret-Fleurieu. De promotions en promotions, il devint Comte d’Empire en 1808. Il est l’auteur de nombreux ouvrages ayant trait à la marine : constructions navales, détermination des longitudes, histoire des navigations, récits de voyages d’exploration, cartes…

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C’est en l’an VI (1798) qu’il commença à publier la relation du Voyage autour du monde par Étienne Marchand.

L’exemplaire que l’on trouve dans la bibliothèque du S.P.A.A. est une réédition parue en 1809.

Ce sont quatre volumes à la couverture rouge, de dimensions 21,5×26,2 cm (20×25 cm pour les pages intérieures) pour les trois premiers, avec respectivement 788, 693, 444 et 000 pages.

  • Le Tome I comporte trois parties :
    • Une Histoire abrégée de la Découverte progressive de la Côte Nord-Ouest de l’Amérique.
    • La Relation du VOYAGE AUTOUR DU MONDE fait en 1790, 1791 et 1792 par ÉTIENNE MARCHAND.
    • Des additions à la Relation.
  • Le Tome II comporte trois parties :
    • Résultats des observations de latitude et de longitude faites sur le navire LE SOLIDE.
    • Histoire naturelle des Oiseaux, des Poissons, des Cétacés, des Amphibies, et des Plantes et autres productions marines que Le Solide a rencontrés à la mer dans sa circonnavigation (sic) du globe.
    • Addition aux résultats des observations.
  • Le Tome III comporte cinq parties :
    • La suite de l’Histoire naturelle.
    • Addition à l’Histoire naturelle.
    • Recherche sur les îles et le port découverts par Sir Francis Drake, en 1578 […]
    • Examen critique des Relations du Voyage autour du Monde, fait en 1721 et 1722 par l’Amiral hollandais Roggeween […]
    • Liste des Auteurs cités dans l’Ouvrage, et Table Alphabétique des Matières, communes aux Tomes I, II et III.
  • Le Tome IV est un volume très technique :
    • Observations sur la Division Hydrographique du Globe.
    • Application du Système Métrique Décimal à l’Hydrographie et aux Calculs de la Navigation.
    • Quinze cartes et une planche de figures.

Le Capitaine Étienne Marchand (1755-1793?) a effectué, de 1790 à 1792, le deuxième voyage français de circumnavigation. Son navire Le Solide est armé par la maison Baux, de Marseille, pour faire la traite des pelleteries sur les côtes Nord-Ouest de l’Amérique du Nord. Avant d’atteindre cette destination, il décide de se ravitailler en eau potable aux Marquises. Il atteint le groupe Sud-Est, visité par Cook en 1774. Ayant aperçu des îles non cartographiées, il s’y rend : c’est le groupe Nord-Ouest, qu’il baptise « Îles de la Révolution ». Il ne sait pas que l’Américain Ingraham est passé là quelques semaines auparavant. Sa quête de fourrures va être peu fructueuse, et il ne peut les vendre en Chine. Il fait escale onze semaines à l’Île Maurice pour des réparations. À son retour à Marseille, il découvre que la situation révolutionnaire a évolué dans un sens défavorable à la monarchie. Refusant les honneurs, il se retire à l’Île Bourbon (La Réunion). Sa disparition reste énigmatique.

Si son voyage a été un échec commercial, il fut une réussite scientifique.

Marchand avait rédigé un Journal de Bord qui fut retrouvé et acheté par la bibliothèque de la ville de Marseille en 1843.

Alors qu’il est élu député à la Chambre Haute en 1797, Claret-Fleurieu propose aux nombreux lecteurs amateurs de récits « exotiques » le récit du voyage de Marchand. Il dispose des Journaux de Bord du capitaine en second Prosper Chanal et du chirurgien Claude Roblet. O’Reilly écrit, dans sa Bibliographie de Tahiti[1] : « Le voyage de Marchand forme ici le noyau d’un vaste travail de compilation, où les observations géographiques, nautiques, ethnographiques et zoologiques faites au cours de la campagne du Solide sont confrontées avec celles des voyages espagnols (Mendana, Quiros), hollandais (Roggeween), anglais et américains (Cook, Ingraham, Roberts, Hergest). »

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[1]     O’Reilly, Bibliographie de Tahiti, Paris, Société des Océanistes, 1967.

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Dans le fonds Patrick Rey déposé au SPAA en 2013, on trouve un certain nombre de feuilles manuscrites dont le format d’origine devait être 20,5×33 cm. Ces feuilles jaunies présentent une trace d’humidité sur toute leur hauteur, à droite par rapport au recto. Elles semblent faire partie d’un cahier. Elles sont en plus ou moins mauvais état Deux pages dans cet ensemble, de la même écriture, retiennent l’attention par le fait qu’elles sont datées d’Uturoa le 7 mai 1845, et que l’une d’elles est signée « Pomare ». Avant d’en voir le contenu, il faut rappeler les évènements qui préludent à leur rédaction.

Le 7 novembre 1843, la Reine ayant refusé d’amener son pavillon pour le remplacer par celui du protectorat, Du Petit-Thouars prononce l’annexion du royaume à la France. À Tahiti, la présence militaire française s’étend sur toute l’île. Au début de 1844, Pomare demande une intervention anglaise puis, sur les conseils de Pritchard, se réfugie fin janvier sur le navire anglais ‘Basilisk’. Le 21 mars, le fort de Taravao est attaqué. C’est le début des hostilités, marquées par les batailles de Mahaena, Haapape et Faaa. Une trêve s’instaure à Tahiti (qui durera jusqu’en mars 1846). En juillet, le gouverneur Bruat est informé que le gouvernement français s’en tient aux accords de protectorat et refuse d’entériner l’annexion. La Reine en est avertie, mais refuse de revenir à Tahiti et, à bord du navire anglais ‘Carysforth’, elle s’exile à Raiatea ce même mois. Deux tentatives de Bruat pour la faire revenir restent vaines. En mars 1845, Alexandre Salmon et sa femme Ariitaimai partent pour Raiatea, dans le but de ramener la Reine à Tahiti, alors que l’amiral anglais Seymour (qui n’a pas de mandat de son gouvernement) se déclare publiquement en faveur de l’indépendance des îles Sous-le-Vent.

La Reine déclare alors : « J’attends l’aide de l’Angleterre qui ne m’a pas encore dit qu’elle ne m’aiderait pas. C’est pourquoi je n’irai pas. Mon peuple est sous les armes et il l’attend comme moi. Ne m’en veuillez pas ».

À partir d’avril 1845, la situation se complique du fait de la question du statut des îles Sous-le-Vent. La Reine, qui vit dans l’illusion que l’Angleterre va venir à son secours, est avertie de ce qui se passe à Tahiti. Elle envoie des messages au peuple et aux chefs.

Les deux textes dont il est ici question présentent de grandes similitudes. La Reine s’adresse à ses fidèles à Moorea. D’une part, elle leur demande de se conformer aux directives du pasteur. D’autre part, elle remercie ceux qui se sont engagés dans la lutte armée. Elle les exhorte à lui rester fidèles. Voici les traductions proposées pour ces deux textes.

Premier texte signé :

  • Uturoa, 7 … 1845
  • Population et chefs de Moorea, je vous salue.
  • Voici ce que je voudrais vous dire : vous resterez près du Pasteur. N’ayez pas d’autres paroles, suivez-moi. Ne suivez pas quelqu’un d’autre. Si vous le faites, je ne vous reconnaîtrais plus.
  • Voici ma volonté, écoutez bien … pour vous encourager à travailler, pour vous encourager à faire face au malheur.
  • Je remercie la population et les chefs de district qui se sont engagés dans l’armée. Le fait qu’ils m’aient suivie vous a également motivés à le faire. Je vous remercie également en adressant une prière à Dieu lui demandant de nous aider.
  • Pomare

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  • Deuxième texte non signé :

  • Uturoa, 7 mai 1845
  • Peuple et chefs de Moorea,
  • Bonjour à vous. Je vous exhorte à une cohabitation totale avec le pasteur ; gardez-vous de toute contradiction.
  • Ne soyez fidèle à personne d’autre que moi ; dans le cas contraire je vous ignorerai. Telle est ma volonté.
  • Écoutez attentivement Timiterai (Timitoni ?) vous encourager. Allons, courage et patience face à l’épreuve.
  • Je suis ravie du peuple et des chefs qui ont rejoint les troupes armées.
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    Ce document est une affichette imprimée de 31,5×49 cm, qui a été conservée pliée en quatre. Attaqué par la vermine, il présente, déplié, quatre grands trous symétriques.icone_encre_couleurs-en-cours

    Le titre est en anglais. Le texte en hawaiien (1ère colonne) est traduit en anglais (2ème colonne, seule entièrement lisible) et en français (3ème colonne).

    Il s’agit, formellement, de deux traités, l’un entre la Grande-Bretagne et le Royaume hawaiien, l’autre entre la France et ce même Royaume, « wich are of the same effect » (mêmes effets, même valeur).

    En 1846, le souverain est Kamehameha III (1813-1854), qui règne depuis 1824.

    À partir de 1826, les Français s’intéressent à l’archipel, mais Paris ne soutient guère les initiatives des premiers colons. Arrivés avec ces derniers, les missionnaires catholiques font de rapides progrès mais ils subissent des brimades de la part des chefs convertis au protestantisme qui tentent à plusieurs reprises de les faire expulser et d’interdire le catholicisme. Cela passe inaperçu en France. En 1837, Du Petit-Thouars fait halte à Honolulu où il nomme un agent consulaire : c’est l’ouverture des relations diplomatiques entre la France et Hawai’i.

    En 1839, le capitaine Laplace impose la liberté de culte et de religion aux îles Sandwich, ainsi que des tarifs douaniers favorables aux produits français, notamment aux vins et spiritueux, à la grande indignation des puritains qui en combattent l’introduction. Cette action entraîne une tension dans les rapports de la France et du petit royaume. Des navires de guerre français doivent fréquemment « montrer le pavillon ».

    En 1842 les Marquises passent sous pavillon tricolore. Du Petit-Thouars impose le protectorat français à Tahiti. L’agent consulaire français à Honolulu venait de lui adresser un courrier lui suggérant d’établir le protectorat français sur Hawai’i. Ce courrier arrivant trop tard, et les relations franco-anglaises allant se dégradant à propos de Tahiti, les gouvernements français et anglais prennent l’engagement mutuel de respecter l’indépendance des Sandwich.

    De 1843 à 1859, la France est très présente aux îles Hawai’i où elle protège les intérêts de ses missionnaires et de ses baleiniers. Elle continue de batailler sur la question des spiritueux. Plusieurs traités négociés successivement entre la France et le royaume hawaiien font l’objet d’interminables discussions et provoquent plusieurs interventions françaises.

    Le traité de 1846 succède à celui de 1839. C’est un traité général « qui se substitue aux diverses conventions consenties jusqu’ici par la France [et la Grande-Bretagne] et les Îles Sandwich ». Il porte (à égalité entre les deux nations étrangères) sur :
    • la protection des civils et de leurs biens (à égalité avec les sujets indigènes) ;
    • la protection accordée aux navires ;
    • l’autorisation d’importer toute marchandise, avec une taxe maximale de 5% ad valorem ;
    • les alcools, dont la taxe pourra être supérieure mais « raisonnable », ne rendant pas prohibitive leur importation.
    Les relations franco-hawaiiennes continuent, entre démonstrations de force et nouveau traité (1857).

    Après 1859, la France se désengage et laisse peu à peu les États-Unis avoir la mainmise sur l’archipel.

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    (Principale source de renseignements : Paul HUETZ DE LEMPS, Les Français acteurs et spectateurs de l’histoire de Hawai’i – 1837-1898)

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    En 1881, le Commandant Commissaire de la République Isidore Chessé décide de donner une structure officielle à la fanfare locale, « considérant que […] c’est à peu près le seul délassement public à Papeete ». (Arrêté du 5 avril 1881, Messager de Tahiti n°17 du 29/04/1881) Un crédit est inscrit au budget de la Colonie ; il est divisé en deux parties : pour les musiciens d’une part, pour l’habillement, l’entretien et le remplacement des instruments d’autre part. Il y a un chef de musique, 15 musiciens et 5 élèves. Des retenues sur les sommes allouées sont prévues en cas de manquement aux répétitions ou aux exécutions. La fanfare pourra être mise à la disposition des particuliers.

    Le 19 novembre 1889, dans une lettre qu’il adresse au Chef de la fanfare,  le Directeur de l’Intérieur P. Maigrot se plaint du fait que les musiciens, depuis quelque temps, saisissent « le moindre prétexte pour ne pas jouer sur la place du Gouvernement ». « La fanfare locale, rétribuée sur les fonds du budget local, doit jouer deux fois par semaine, si par suite d’une circonstance fortuite le concert ne peut avoir lieu au jour indiqué, il importe que ce concert ait lieu, soit le lendemain, soit le surlendemain. » Il rappelle le devoir d’assiduité ainsi que la possibilité de sanctions financières.

    Le samedi 25 janvier 1890, il pleut et le concert prévu ne peut avoir lieu. Le Directeur de l’Intérieur, dans une lettre qu’il adresse le 27 au Gouverneur, raconte : (Le lendemain dimanche) « Je fus très étonné à 8 heures 1/2 du soir d’entendre la fanfare, je crus que cette société, sans m’en avoir demandé l’autorisation, se faisait entendre dans une maison particulière, néanmoins je voulus m’en rendre compte. Quel fut mon étonnement, lorsque sur la place du Gouvernement, je vis le kiosque de la musique éclairé et les musiciens à leur poste. […] Je donnai immédiatement l’ordre de cesser le concert. » Interpellant le Chef pour lui demander qui avait autorisé cette prestation, ce dernier lui répond que c’était en raison des termes de la lettre qu’il lui avait adressée le 19 septembre.

    Le Chef de musique a tort sur deux points. D’une part, il n’a pas demandé l’autorisation, qui lui aurait été refusée parce que, d’autre part, il s’agit du dimanche. Or « la question de la musique du Dimanche est toujours restée en suspens. »

    Le Directeur de l’Intérieur est mal à l’aise dans cette histoire. En effet, il craint d’être la cible d’une manœuvre : « Je laisse à votre haute appréciation, Monsieur le Gouverneur, le soin d’examiner si ce fait, si simple par lui-même, n’est pas le résultat d’une cabale, car, si le concert avait été exécuté en entier, on n’aurait pas manqué de faire les réflexions suivantes – que le Directeur de l’Intérieur intérimaire, profitant de l’absence momentanée de Papeete du Chef de la Colonie[1], voulant faire de la popularité malsaine, a rétabli de sa propre initiative les concerts du Dimanche ». L’on retrouve cette ambiance « coloniale » faite de petits complots, de suspicion, de ragots, de méfiance…

    On apprend que « les concerts du Dimanche » ont existé, et qu’ils ont été « suspendus ». Doit-on voir là un aspect du conflit latent entre l’administration et les missions religieuses ?

    Maigrot demande envers le Chef de la fanfare « une punition disciplinaire sévère ».

    Le dossier d’archives ne permet pas de voir la suite donnée à cette requête.

    Mais dans une lettre du 22 novembre 1890, le Chef de la fanfare invite le Gouverneur à bien vouloir  honorer la fanfare « en assistant à la messe qu’elle fera célébrer à la cathédrale de Papeete, le samedi 22 du courant, à 8 heures du matin, à l’occasion de la fête de Sainte-Cécile».

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    [1]     Le Chef de la Colonie, Théodore Lascascade, est absent du territoire du 29 octobre 1889 au 1er juillet 1890. C’est son Directeur de l’Intérieur Maurice d’Ingremard qui devient pour cette période Gouverneur par intérim, tandis que le rédacteur de la lettre, P. Maigrot, devient Directeur de l’Intérieur par intérim.

    Alors que le fil des manifestations annuelles incontournables se tisse encore à travers le Hura Tapairu, le salon Lire en Polynésie, Mono’i Here ou le salon des Marquises et celui des Tuamotu-Gambier, ce mois de novembre donne également le coup d’envoi du 2ème Heiva Tārava, consacré cette année aux Raromata’i. Une fin d’année qui s’annonce donc riche et dense en rendez-vous capables d’éveiller la curiosité et de satisfaire tout un chacun, au gré de ses goûts et de ses envies.

    Qu’il s’agisse du plus créatif des concours de danses traditionnelles, de l’énergie d’un festival de hīmene, des salons du livre, du mono’i et des Marquises, de l’exposition TIKI ou du stage international de pratique des arts traditionnels, tous ces événements participent à la richesse et à la diversité de l’offre culturelle polynésienne.

    Notre Pays se nourrit aussi de ses traditions et de ses trésors qu’il sait valoriser et conserver, à l’instar de la péninsule Matahirai’terai de Taputapuātea qui vient d’être classée par le gouvernement. Des spécificités que nos forces vives revisitent et réinventent pour écrire une nouvelle page de l’histoire : le précieux tifaifai devient robe, les ouvrages les plus anciens sont numérisés pour être plus accessibles, les objets de l’exposition TIKI prennent vie…

    Découvrez dans ce 110ème numéro de Hiro’a ces multiples sujets et rendez-vous porteurs de la même ambition : le partage de notre culture

    Premier journal culturel mensuel gratuit de Polynésie française, Hiro’a est l’expression de la synergie entre 7 établissements et services devenus partenaires sous la tutelle du Ministère de la Culture. Né en septembre 2007 et tiré à 5 000 exemplaires en quadrichromie, retrouvez-le dans les grandes surfaces, hyper et supermarchés, librairies, hôtels, mairies etc., ou téléchargez-le, comme près de 2 000 internautes chaque mois, sur les sites suivants : www.conservatoire.pf, www.museetahiti.pf, www.culture-patrimoine.pf, www.cma.pf, www.maisondelaculture.pf et www.artisanat.pf

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