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Cette lettre de Pomare IV est une feuille de format 13,5×21 cm, écrite recto-verso en français.

L’écriture est appliquée, c’est peut-être celle de son fils.

La Reine avait conservé des liens avec Madame Bruat, qui avait quitté Tahiti avec son mari le 31 mai 1847. Un Tahitien, Tariirii, chef de Mahina, fit le voyage avec eux (il revint en 1849).

L’amiral Bruat aura eu un destin tragique : alors qu’il revenait de la guerre de Crimée, il contracta le choléra et mourut à bord du Montebello le 19 décembre 1855. (Il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise.) La nouvelle fut connue à Tahiti. Voici ce qu’écrivirent des Tahitiens à Mme Bruat en 1857 : « Nous avons pleuré la perte immense que vous avez faite dans la mort de votre illustre époux et à nous notre vénéré Père et Protecteur. Bruat est mort. Nous n’avons plus en France de protecteur si ce n’est vous, Madame ; et l’Empereur qui a si bien apprécié Bruat et a si dignement su vous récompenser par la place que vous occupez près de son fils ».

En effet, en 1856, sa veuve avait été nommée gouvernante de la Maison des Enfants de France (institution créée en 1810 pour les enfants de la famille impériale).

C’était un titre purement honorifique. Le prince Louis-Napoléon, qui venait de naître cette même année, sera élevé par sa mère, l’Impératrice Eugénie. Madame Bruat (que l’on désigne par : « Son Excellence Madame la Gouvernante ») qui avait une voiture à sa disposition, venait tous les jours voir le Prince. Dans les cérémonies, sa charge l’appelait à porter l’enfant impérial.

Depuis 1847, les différents Commissaires auprès de la Reine Pomare avaient le souci de promouvoir la langue française chez les Tahitiens. En février 1847, Bruat avait suggéré au Ministre que « dans l’état actuel de tranquillité de nos établissements », il serait bon de « conduire en France où ils seraient instruits aux frais du Gouvernement, six ou huit jeunes gens, fils des principaux chefs du pays ». Fin 1847, huit jeunes furent envoyés en France, avec parmi eux Taatarii, qui fut nommé interprète du gouvernement à son retour. En 1860, le jeune Tehia (Teiha dans la lettre de la Reine), fils de Tariirii, fut envoyé chez les Frères des écoles chrétiennes à Passy. Il sera de retour à Tahiti à la fin de 1863.

En novembre 1862, le commandant Gaultier de la Richerie fit partir sept jeunes Tahitiens. Parmi eux : Tuavira, fils de la Reine, à destination du pensionnat Notre-Dame de Toutes Aides, près de Nantes, où ils arrivèrent le 27 février 1863. On peut penser que la lettre de Pomare IV avait fait le même trajet (sur la frégate l’Isis). La Reine souhaitait que son amie cherchât « une bonne école pour lui […], qu’il habite la même localité [que vous] et que vous soyez son bon soutien et sa bienfaitrice ». Elle lui recommandait aussi les autres garçons.

La présence de ces jeunes protestants dans une institution catholique allait susciter une vive polémique en France. Mais la Reine voulait que son fils restât chez les Frères. S’adressant au Supérieur général, elle écrivait : « Fais bien connaître à l’Empereur ma volonté formelle : que mon enfant reste entre tes mains à Nantes ». Les autres jeunes Tahitiens ne souhaitaient pas aller chez les protestants. Tuavira passera ses hivers dans le Sud-Ouest. À ce sujet, on peut lire dans le Supplément au n°15 du Messager de Tahiti du 10 avril 1875 : « Son séjour en France a été marqué par un épisode intéressant. Le 6 janvier 1864, le marquis de Bertrand-Moleville, petit-fils du ministre de l’infortuné Louis XVI, donnait au jeune et royal écolier et à ses cinq compagnons, une fête dans son château de Ponsan[1]. C’est là que Joinville a vu pour la première fois ce produit de notre climat, la glace. Curieux de toucher cette merveille qui lui était inconnue, il courait, se précipitait vers cette nouveauté qui frappait ses regards et dont la formation lui semblait magique. Un arbre fut planté à cette occasion aux abords du château, comme témoin durable de sa visite et de l’affectueuse hospitalité qu’il y avait reçue ».

La Reine ayant souhaité que son fils fût présent au mariage de sa sœur, la Reine de Bora Bora, ils rembarquèrent le 3 juin 1865 à Brest sur la Néréïde. Leur voyage les fit passer par Le Cap, La Réunion, Madagascar, Sydney, la Calédonie et Tahiti où ils arrivèrent le 14 février 1866.

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[1]     Dans le Gers.

Le numéro 1 de L’Ophicléide, “Journal humoristique de Tahiti”, parut en juin 1886 à Papeete. Des élections au Conseil Général devant avoir lieu le 13 juin (il y est fait allusion plusieurs fois dans ce journal), on pourrait situer cette parution dans le premier tiers du mois, et même avant le 9[1]. Mais en page 3, des “informations” sont datées du 13 juin 1/2 (sic) et du 14 juin !

Il n’y eut pas de n° 2, ainsi que ses rédacteurs le pressentaient dans leur “profession de foi” : « Et si le jour qui le voit naître le voit aussi mourir, il aura toujours eu la satisfaction intime d’avoir dit au moins une fois la façon de penser de ses rédacteurs… et c’est quelque chose !».

C’est un journal de quatre pages, de grand format 28 x 41,5 cm. Son contenu se présente sur deux colonnes, excepté pour les publicités sur la deuxième moitié de la page 4.

La manchette propose un certain nombre d’indications amusantes, laissant à penser que l’on a affaire à une production de potaches. Le titre, placé en diagonale, est étrange. Un ophicléide est un instrument de musique à vent, de taille imposante, de la famille des cuivres, et qui est déjà en désuétude dans les années 80 du XIXème siècle, remplacé peu à peu par le tuba.

Le choix de ce nom est expliqué plus loin : « Nous aurions pu appeler cette feuille, dont l’apparition sera l’une des gloires du XIXème siècle (siècle déliquescent !), aussi bien Le Carillon, La Clochette, Le Bourdon, etc…etc. Nous avons choisi le nom d’Ophicléide parce que si La Cloche abuse de son cuivre, nous pourrons toujours jouer de notre instrument… avant ». Il est clairement fait allusion au journal La Cloche, dont le n° 1 était sorti peu avant, le 25 mai de la même année. La suite de l’explication repose sur un jeu de mots : « Notre titre nous donne aussi le droit de nous comparer à la divinité elle-même […] car si Dieu fit le monde en six jours, il ne faut pas perdre de vue qu’O FIT CLÉIDE en 6 bécarres »[2]“.

Qui sont les créateurs de cette publication ? O’Reilly[3] écrit qu’elle semble être “l’œuvre de deux avocats de l’époque : Langomazino fils et J. Texier”.

Hégésippe Langomazino (1844-1911) était un défenseur (avocat) qui avait pris la succession de son père Joseph Langomazino décédé en 1885.

Jules Texier (1858- ? ) était aussi un défenseur. Il avait épousé en 1886 Marie-Antoinette Brault (1867-1953), sœur de Léonce Brault. Il était reparti en France après avoir divorcé.

Leur nom n’apparaît pas ; il y a seulement une mention signée de La Rédaction : « Si tu veux savoir mon nom, mon cordonnier l’a mis sous ma semelle ».

Le Comité de Rédaction est : TOUT-LE-MONDE.

La Direction et l’administration sont au nom d’un certain WITAS, rue de Bréa. On trouve dans le BO des ÉFO de 1886, au 14 décembre : M. Witas est nommé agent du service actif des contributions à Papeete en remplacement de M. Charles .

Le reste de la manchette est à l’avenant :

On ne s’abonne nulle part.

Journal en Scie bécarre.

Prix du numéro : 1 franc – 0,50 pour les Bonnes d’Enfants, les Militaires non gradés, et les personnes atteintes de “feefee”. Gratis pour les individus justifiant du mal de “macaque”[4].

Presque illustré quoique peu judiciaire – Un tantinet poétique – Légèrement politique – Nullement commercial – Mais d’annonces.

Paraissant de temps en temps.

Les journaux de ce temps adoptaient tous une formule latine. Pour L’Ophicléide, ce fut : Et nunc erudimini qui judicatis terram. Il s’agit d’un extrait de la Bible, psaume 2.10, dont la formulation précise est : Et nunc reges intelligite erudimini qui judicatis terram : « Et maintenant, rois, comprenez, corrigez-vous, juges de la terre !

On trouve aussi, dans la profession de foi, une justification de la date de parution : « L’Ophicléide a choisi le mois de juin pour sortir du chou, parce que ce mois est sous le signe zodiacal du Cancer, et que comme lui l’Ophicléide trop pique ». Ce jeu de mots se comprend mieux quand on sait qu’une partie de la racine grecque de cet instrument – ophis – signifie serpent.

En page 2, on peut lire, sur deux colonnes et demie, le seul article “sérieux” pour lequel ce numéro semble avoir été destiné. Il s’agit d’un réquisitoire contre l’arrêté du 17 mai 1886 et contre son rédacteur, le Chef du Service judiciaire, le Procureur de la République par interim Pissarello. C’est un texte portant « réorganisation du corps des défenseurs, et réglant l’exercice du droit de défense des parties devant les tribunaux de la colonie »[5].

L’auteur de l’article, après un long développement, estime que ce texte est inopportun et « qu’il assimile les défenseurs à des collégiens qu’on met au pain sec pendant quinze jours quand ils n’ont pas été bien sages ». Assurément, le Procureur p.i. Pissarello est en conflit avec au moins un défenseur « qui possède un nez qui déplaît au ministère public ».

Le journal fait état de la rumeur selon laquelle ledit Pissarello pourrait être nommé titulaire de son poste.

À la rubrique “Âneries Ultra-Bécarres“, on lit cette information qui égratigne trois personnalités :

Il est question de l’installation de bancs sur la place du gouvernement. Il est certain que le beau naît (Frédéric Auguste Bonet, défenseur, qui fut élu le 13 juin au Conseil Général) dans la Colonie. Mort à qui nie (Dauphin Moracchini, Directeur de l’Intérieur, Gouverneur par interim) ce fait dont l’évidence s’impose à tous. Nos administrateurs nous paraissent désormais plus précieux que le diamant, car celui-ci, en effet, ne raie que le verre, tandis que pour le banc, c’est pis, ça raie l’eau (Pissarello, Procureur).”

Ça ne vole pas haut.

Le directeur de La Cloche, Gaston Cognet, est pris à partie. Outre l’annonce de sa future nomination comme défenseur, il est fait allusion à son refus de se battre en duel suite à un article paru dans son numéro 1.

Quatre personnages sont présentés comme candidats de Papeete aux élections générales, mais ils ne sont désignés que par des surnoms : Cyclope, dit Cherche-Oreilles ; Mac-Aroni, dit Jambe-de-Coton, Violet, fabricant de pipes, et Bloum-Pudding. Il est tentant d’y voir les quatre élus : Bonet, Cardella, Langomazino et Liais. Dans la rubrique “Avis” en dernière page, on retrouve trois de ces sobriquets dans deux annonces fantaisistes :

– Il a été perdu une caisse de pipes Violet – La rapporter à l’usine Bloum-Pudding, à S. Francisco – Récompense au net.

– Spécialité de “Lapins pour Dames” – S’adresser à Mac-Aroni, à Papeete.

La rubrique “Mouvements du Porc” (port) est aussi fantaisiste que le reste, avec “Guère de navires entrés” (au lieu de navires de guerre), etc.

Deux articles se rapportent aux élections. L’un, signé Léo Delpech, “Candidat Larmoyant“, propose “l’Union des Peuples, sous les auspices d’une divinité souveraine : Inclinons nos fronts poudreux devant la PENSÉE LIBÉRALE“.

L’autre, signé Mouchy, “candidat Va-nu-Pieds” propose un programme en trois points : “Je soutiens l’hôpital chinois, la Direction de l’Intérieur, l’asile des aliénés, toutes institutions très-salubres“.

Il y a encore bien d’autres passages qui se veulent humoristiques…

Journal de circonstance (à la veille d’une élection), sans lendemain, on ne sait pas à quel nombre d’exemplaires il fut tiré, ni s’il suscita de l’intérêt – et auprès de qui ? Ses auteurs s’en désintéressèrent-ils très vite ? Y eut-il des pressions pour les faire taire ?…

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[1]     À la page 3, il est dit, dans la rubrique “Informations” : « On parle de la nomination de M. J-T. Cognet, agent  d’affaires, comme défenseur ». Or la décision, en date du 9 juin, paraît au JO des ÉFO du 10 juin.

[2]     Bécarre : signe qui indique sur une partition qu’il faut restituer sa hauteur naturelle à une note précédemment altérée (diésée ou bémolisée). Cléide était une des trois nymphes ayant élevé Bacchus sur l’île de Naxos.

[3]     O’Reilly, Bibliographie de Tahiti, Paris, 1967.

[4]     Mal de (la) macaque : une bronchite.

[5]     JO des ÉFO du jeudi 20 mai 1886.

Cette belle collection des voyages du capitaine Cook se compose de 8 volumes de format 25×30 cm,  numérotés de I à VIII, et d’un grand atlas de format 42×56 cm.

Le premier voyage de Cook a pour objet de faire « des découvertes dans l’hémisphère Sud ». Il est raconté dans les volumes II et III, tandis que le premier volume est consacré aux voyages d’exploration de Byron (1764-1766), Wallis (1766-1768) et Carteret (1766-1769).

C’est un voyage d’exploration du Pacifique, avec un but : retrouver Tahiti (dont Wallis vient de révéler l’existence) pour y observer le passage de Vénus devant le soleil. Il embarque donc, fin 1768, à bord de l’Endeavour, avec une équipe de scientifiques.

Il entre dans l’Océan Pacifique par le Cap Horn. Il traverse les Tuamotu, puis, du 13 avril au 13 juillet 1769, il séjourne à Tahiti, où il fait installer un observatoire « Pointe Vénus ». Son parcours le mène ensuite aux îles Sous-le-Vent, à Rurutu, en Nouvelle-Zélande (dont il fait le relevé des côtes), en Nouvelle-Hollande (Australie), en Nouvelle-Guinée, en Indonésie. Il rentre en Angleterre, par le Cap de Bonne Espérance, en août 1771.

*Le deuxième voyage est dirigé « vers le pôle Sud et autour du monde ». À bord de la Resolution, et accompagné de l’Adventure (Capt. Furneaux), Cook s’élance en juillet 1772. Il traverse l’Océan Indien depuis le Cap de Bonne Espérance. Il cherche le continent austral. Puis, après les îles Crozet, il entre dans l’Océan Pacifique par le Sud de la Tasmanie. Son parcours le mène en Nouvelle-Zélande, aux Tuamotu, à Tahiti (17/08-17/09/73), aux Tonga, en Nouvelle-Zélande, dans les parages du continent antarctique (jusqu’à 71°10′ de latitude Sud), à l’île de Pâques, aux Marquises, à Tahiti (04/74) et aux îles Sous-le-Vent, aux Fidji, aux Nouvelles-Hébrides, en Nouvelle-Calédonie, en Nouvelle-Zélande. Il rentre en Angleterre, par le Cap Horn, en juillet 1775.

*Le troisième voyage a pour but de faire « des découvertes dans l’hémisphère Nord », et plus particulièrement de voir s’il existe un passage Nord entre le Pacifique et l’Atlantique. À bord de la Resolution, accompagné du Discovery (Capt. Clerke), il part en juillet 1776. Après le Cap de Bonne Espérance et un passage par les Kerguélen et la Tasmanie, il arrive en Nouvelle-Zélande en février 1777. Puis il passe aux Cook, aux Tonga, à Tahiti (08/77), Hawai’i, la côte Nord-américaine jusqu’en Alaska, le Détroit de Béring, Hawai’i à nouveau, où il est tué le 4 février 1779. L’expédition continue sans lui : Kamtchatka, Détroit de Béring, Japon, Chine, Océan Indien et retour en Angleterre le 4 octobre 1780. Les volumes I et II de ce troisième voyage sont écrits par Cook, le troisième volume par le Capt. James King. Ils sont accompagnés d’un atlas comprenant 2 cartes et 60 gravures (alors que pour les 2 premiers voyages, les illustrations sont incluses dans le texte).

Ces récits des voyages restent la base des connaissances que nous avons sur les Polynésiens du temps des premiers contacts. Humaniste du temps des Lumières, Cook est un observateur attentif et rigoureux. Les gravures qui accompagnent ses textes sont universellement connues. Il est le premier à avoir cartographié, avec une précision étonnante, les contours de Tahiti. Sa contribution à l’histoire des îles de la Société (c’est lui qui leur a donné ce nom) et des îles Marquises est fondamentale.

Ces livres sont un des fleurons de la bibliothèque du S.P.A.A.

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La biographie sommaire présentée ci-dessous (sous toutes réserves) semble être celle qui correspond le mieux à ce personnage difficile à retrouver dans l’Histoire.

Ismaïl Hakki serait né en 1883 à Istanbul, et décédé en juin 1923 à Kashan.

Il entre à l’École de guerre en 1899 et en sort lieutenant en 1902.

Il suit une formation dans l’armée française en 1910-1911. (En 1909, Mustapha Kemal – futur Ataturk- a aussi participé à des manœuvres militaites en Picardie.) Il parle français.

Il participe à la guerre de Libye (guerre de l’Italie contre l’Empire Ottoman, 1911-1912), à la première guerre balkanique (Alliance de la Serbie, de la Bulgarie, de la Grèce et du Monténégro contre l’Empire Ottoman, 1912-1913) et à la « Guerre de Libération » (1919-1922) aux côtés de Mustafa Kémal, conflit qui aboutit à la chute du sultanat turc.Il meurt avec le grade d’inspecteur de la gendarmerie.

A-t-il rejoint la formation politique des « Jeunes-Turcs » ? C’est un mouvement né le 14 juillet 1889, rassemblant de jeunes militaires turcs qui s’opposent au Sultan et souhaitent une « occidentalisation » de leur pays. Leur devise est : Liberté, Égalité, Fraternité. Ils ont des liens avec le Grand Orient de France. En 1907, ce mouvement prend le nom de Comité Union et Progrès (CUP).

À partir de 1908, l’Empire Ottoman s’enfonce dans l’anarchie. Le CUP prend le pouvoir en 1913. Mais la désunion y règne, opposant fédéralistes et unionistes, lesquels veulent un état centralisé et unitaire. Ces derniers l’emportent, et sont à l’origine d’une répression sur les minorités. Plus particulièrement, à partir de 1915, commence le génocide arménien.

Il est difficile de dire si Ismaïl Hakki bey a pris une part active à ce génocide. Les informations sont difficiles à recouper, et parfois contradictoires. Dans le cadre des recherches sur les responsables de ces massacres, on trouve un Hakki Bey qui meurt en février 1915 (il se prénommerait Ibrahim). On en trouve un autre responsasable de la mort de 2 000 enfants arméniens le 24 octobre 1916 à Deir ez-Zor, mais une autre source dit qu’à ce moment et à cet endroit, c’est un certain Zeiki bey qui est sur place…

La demande est assez étonnante : quel intérêt un militaire turc a-t-il de vouloir connaître, en 1906, le nombre d’habitants dans les É.F.O., et la proportion de « mahométans » (musulmans) ? De plus, il demande quel est le ratio sunnites/chiites et, enfin, leur nationalité.

C’est à la Conférence de La Haye en 1907 que les délégations françaises et anglaises échangent sur lui des renseignements. On apprend que ce personnage, qui a la fonction d’aide de camp dans la garde personnelle du Sultan, est le fils du Ministre des Affaires étrangères ottoman. Ce dernier confirme que son fils rassemble des données sur les populations musulmanes des colonies françaises, anglaises et hollandaises. Ainsi, en 1906, il envoie des demandes de renseignements également en Tunisie, au Dahomey, au Niger et Haut-Sénégal, en Mauritanie et au Congo français. Les responsables de ces territoires ne donnent pas suite à ces demandes. (1)

Le Gouverneur Jullien, lui, répond avec précision : 29 865 habitants dans les É.F.O. au recensement de 1902, aucun mahométan. Il ne semble pas que cette collecte de données ait été suivie d’une quelconque action.

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(1) D’après J.M. Landau, Pan-Islam, History and Politics, 2015.

Les deux lettres, qui portent la signature de Pomare, sont en bon état. Chacune se présente sous la forme d’une feuille de format 20,5×26,5 cm pliée en deux, ce qui donne quatre pages. La première lettre est écrite sur trois pages, la deuxième sur quatre. Ces pages sont encadrées d’une bordure noire. Elles sont chacune accompagnées de leur traduction, sur des feuilles différentes.

Elles ont été rédigées dans le contexte suivant.

En 1871, dans une « Note au sujet de la construction du palais de la Reine », le Directeur du Génie et des Ponts et Chaussées écrivait : « Ce palais fut commencé en 1859 avec les propres ressources de la Reine et sous sa direction, avec le concours officieux de Mr Duval, Garde du Génie. Les travaux continuèrent ainsi jusqu’au 31 janvier 1862, époque à laquelle un arrêté de Mr le Commissaire impérial plaça officiellement cette construction sous la direction du Directeur des Ponts et Chaussées, mais toujours avec les ressources de la Reine. Jusqu’au 31 mars 1864 il a été dépensé 88.326,78 f. Ce n’est qu’en 1864 qu’une subvention annuelle de 10.000 francs commence à être mise au budget local, elle continue de l’être jusqu’en 1868 ; mais les travaux ayant été arrêtés le 1er avril 1865, à partir de cette époque la subvention, bien qu’inscrite au budget, n’y fut pas consacrée. » Le « gros œuvre » est terminé, mais tout l’aménagement intérieur reste à faire. En 1866, du beau mobilier, envoyé par l’Empereur, a été réceptionné – au grand déplaisir du Commandant qui considère que c’est du gaspillage – pour ce palais encore en chantier.

En fait, en 1865, 4 159,91 francs ont été dépensés pour le palais. Le reste de l’argent, jusqu’en 1868, va disparaître en frais de fonctionnement de la maison de la Reine : factures des commerçants de Papeete, jeu, fêtes, domesticité, enfants … En 1868, à la ligne « Aide à la construction du palais de la Reine », dans le budget de l’année, aucune somme n’est mentionnée, de même pour les années suivantes, avec cependant la mention « mémoire ».

Fonds Gutzwieller – Droits Réservés Thuret

Les travaux vont reprendre en 1874.

Entre 1868 et 1874, un certain nombre d’événements se sont produits. Le Commandant La Roncière, avant de quitter ses fonctions, avait voulu redonner à la Reine des prérogatives perdues. Son successeur eut bien du mal à faire admettre qu’il était impossible de revenir en arrière. Puis l’Empire fit place à la République et la Reine afficha à l’occasion son attachement au nouveau système de gouvernement français. En 1872 et 1873, trois décès viennent endeuiller la famille royale : sa petite-fille, dont elle disait qu’elle lui succéderait (fin décembre), sa fille, Reine de Bora Bora (16 février), et son mari le Prince Ariifaite (6 octobre). Le moral de la Reine est au plus bas. Le Commandant Girard lui propose de l’accompagner dans sa tournée autour de l’île, du 16 au 30 octobre. Pomare semble enchantée de cette promenade.

Alors que Girard est en tournée aux Tuamotu du 17 au 27 novembre, la Reine tente de reprendre la main sur la construction de son palais. D’une part elle demande au Directeur des Ponts et Chaussées de lui en remettre le plan ; d’autre part elle concocte avec les chefs de Tahiti et de Moorea un programme d’impôts nouveaux pour financer les travaux, et elle demande au Directeur des Affaires indigènes de faire insérer cette mesure fiscale dans le Messager de Tahiti. Mais rien à l’époque ne se fait sans la signature, à côté de celle de la Reine, du Commandant Commissaire de la République. Devant le refus du premier et l’oubli du second, elle écrit à Girard le 11 décembre. Elle compte sur les liens de sympathie qui se sont créés entre elle et le représentant de l’État, son « cher ami ». Elle joue aussi sur le registre de la pitié : « Je suis veuve. Je vous prie donc de venir à mon aide ». Elle sait que ce Commandant doit bientôt être remplacé (Il le sera le 30 mai par Gilbert-Pierre), et elle voudrait profiter de ses bonnes dispositions pour faire repartir la construction.

Elle a raison, car Girard accède à ses volontés : le 22 janvier 1874, une ordonnance fixe « le taux d’une contribution pour l’achèvement du palais de la Reine ». De plus, par un arrêté du 16 mars, une avance de 10 000 francs (remboursables) prélevés sur les fonds de réserve est faite à la Caisse indigène.

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La Déclaration présentée ici est aussi connue sous l’appellation Convention de Jarnac.

Il s’agit d’un texte court destiné à “écarter une cause de discussion” entre les gouvernements français et britannique à propos des Îles Sous-le-Vent.

La guerre qui a opposé les Tahitiens regroupés autour de Pomare IV, demandant la protection de la Grande-Bretagne, aux partisans du protectorat français, s’est achevée fin décembre 1846 par la victoire de ces derniers. Depuis juillet 1844, la Reine était en exil volontaire à Raiatea. Là, elle se sentait en sécurité auprès de son oncle Tamatoa IV (qui avait adopté son fils Tamatoa Pomare, lequel allait devenir Roi de Raiatea en 1857). Sa mère Teremoemoe et sa tante Teriitaria, “épouse surnuméraire” de Pomare II et Reine de Huahine, l’avaient accompagnée.

Pomare IV se sentait chez elle. Son père, Pomare II, avait noué des liens très forts avec les Îles Sous-le-Vent. Quand il dut se réfugier à Eimeo, il fit appel aux chefs de cet archipel. Ceux-ci, impressionnés par la nouvelle religion qu’il professait, ne tardèrent pas à s’en faire les adeptes dans leurs îles

À l’occasion d’un voyage, Pomare II avait adopté Tapoa II, lui donnant ainsi le nom de Pomare. Il lui destinait sa fille. Le mariage eut lieu à Tahaa en 1822. Les observateurs estimaient que Tapoa, devenu chef de cette île, devait alors être âgé de 16 ans. Ils se séparèrent en 1829. Aimata était reçue dans ces îles comme une princesse puis, devenue Reine, comme souveraine. Elle séjourna aux  Îles Sous-le-Vent de septembre 1829 à janvier 1831. « Durant ce voyage, écrit Eugène Caillot[1], elle ne cessa de se livrer à la débauche et à l’ivrognerie.» On sait que les chefs à Tahiti (Tati, Hitoti, Paofai, Utami et d’autres) parvinrent à lui imposer de revenir à Tahiti et de se tenir dignement.[2]

Raoul Teissier[3] précise : « Lors de son voyage aux Îles Sous-le-Vent en 1840-41, Aimata, Pomare IV, s’est fait partout reconnaître comme suzeraine des droits royaux, non pas à cause d’une prétendue prééminence des Pomare, mais parce qu’elle était le rejeton aîné de Tamatoa III, en signe de quoi son second fils Teratane [Ariiaue], né en 1839, a été adopté à Huahine pour en devenir roi, et sa fille Teriimaevarua, née en 1841, l’a été à Borabora pour en devenir la reine (en 1860). […] À Raiatea, l’existence d’enfants nés de Tamatoa IV n’a pu faire obstacle à l’accession au trône de Tamatoa V (troisième fils de Pomare IV)”.

Les îles étaient donc bel et bien reconnues comme faisant partie du royaume de la reine de Tahiti et elle-même jouissait de sa position ainsi définie sans se poser de question. Même sur le plan international les îles étaient admises comme telles.[4]

Mais en mars 1845, l’amiral anglais Seymour se déclara publiquement en faveur de l’indépendance des  Îles Sous-le-Vent. Voyant la tournure que prenaient les événements, Bruat demanda aussitôt des renforts à Paris : Il faut « faire cesser toute intervention occulte ou officielle […] Je vais entreprendre le blocus de Raïatéa où sont assemblés Pomaré et les arii ses parents. Je fais en outre mettre sous séquestre les biens de Teriitaria, reine de Huahiné mais aussi cheffesse du district de Paré. […] Il est dangereux de laisser un état indépendant à la porte de Tahiti. Cette indépendance ne serait que nominale, l’influence des missionnaires, la facilité de colonisation dans ces îles par les Anglais en feraient rapidement des points hostiles à Tahiti […] Envoyez-moi deux vapeurs ».[5]

L’expédition militaire et navale à Huahine en janvier 1846 fut repoussée par la reine Teriitaria et coûta de lourdes pertes aux troupes françaises.

Malgré la médiation du couple Salmon, Pomare s’obstinait dans l’attente d’une réponse positive de la Grande-Bretagne à ses demandes d’aide. Mais le gouvernement anglais ne souhaitait pas se lancer dans cette entreprise. La guerre se termina à Tahiti à la fin de l’année 1846. Bruat envisagea alors de destituer la Reine. Ce fut à la suite d’une ultime ambassade de la princesse Ariitaimai Salmon que Pomare consentit à revenir, et fut accueillie en souveraine le 9 février 1847.

Les Anglais résidents des  Îles Sous-le-Vent se firent pressants auprès de Londres pour que l’indépendance de ces îles soit reconnue. Curieusement, Pomare IV déclara qu’elles ne faisaient pas partie de son royaume. Décontenancé et excédé, le gouvernement français ne voulait plus de problèmes avec les Anglais au sujet de Tahiti. L’affaire Pritchard était encore dans les esprits. Louis-Philippe finit par concéder la présente Convention le 19 juin 1847.

On remarque que la reine a été tenue en dehors des négociations.

Les deux souverains français et anglais reconnaissent l’indépendance des  Îles Sous-le-Vent.

Ils s’engagent à ne jamais en prendre possession ni d’y établir un protectorat.

Quant au troisième point, il vise sans les nommer Pomare IV et sa descendance : “ne jamais reconnaître qu’un chef ou prince régnant à Taïti puisse en même temps régner sur une ou plusieurs des îles susdites“.

Pomare IV avait perdu la souveraineté sur  les Îles Sous-le-Vent, mais de fait, elle resta suzeraine.

Le gouverneur Lavaud écrit, en 1850 : « L’indépendance formelle des Îles Sous-le-Vent n’affranchissait point leurs chefs de l’ascendant de la reine Pomare. Ils sont à cet égard aussi soumis que ses propres sujets ; ils ne décident rien sans sa participation ; ils viennent chaque année près d’elle faire un séjour plus ou moins long dont elle fixe la durée en ordonnant leur départ lorsqu’elle le juge convenable sans en donner le motif et sans qu’on lui en demande compte. Cet empire est si grand qu’au préjudice de ses enfants légitimes, chacun des chefs des  Îles Sous-le-Vent a adopté pour lui succéder un des enfants de la reine…»[6]

La Convention de Jarnac a été abolie, d’un commun accord entre les deux puissances coloniales, le 16 novembre 1887, laissant la voie libre à la France pour annexer l’archipel le 16 mars 1888.

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[1]     Caillot Eugène, Histoire de la Polynésie orientale, 1910.

[2]     Voir Michel Bailleul, Archipol n° 15, 2014.

[3]     Raoul Teissier, Chefs et Notables des ÉFO au temps du protectorat, 1842-1880, BSEO, 1978.

[4]     Bertrand de La Roncière, La Reine Pomare – Tahiti et l’Occident, 1812-1877, L’Harmattan, Paris, 2003.

[5]     Bertrand de La Roncière, op. cit.

[6]     Bertrand de La Roncière, op. cit.

Cette lettre manuscrite d’une page est conservée dans un des recueils de la Correspondance du Ministre Secrétaire d’État de la Marine et des Colonies au Gouverneur des Établissements français de l’Océanie. Le Ministre était alors le baron de Mackau, Vice-Amiral, Pair de France.

Cette lettre est datée du 16 novembre 1846. Elle est arrivée à Tahiti le 25 novembre 1847 par le navire Étoile du Matin. En novembre 1846, Bruat n’était plus, officiellement en France, le Gouverneur des établissements français dans l’Océanie. En effet, le Roi avait nommé à sa place, le 6 septembre, le capitaine de vaisseau Lavaud. Mais il va rester en place jusqu’à l’arrivée de ce dernier à Tahiti le 22 mai 1847. La lettre s’adressait donc à Lavaud. Elle l’informait d’un prochain envoi de médailles “pour les divers chefs dont M. Bruat a signalé, dans ses derniers rapports, la bravoure et les fidèles services“.

En plus de ces “médailles d’honneur en or“, il y avait la Légion d’honneur pour le Régent Paraïta.

Qu’avait donc fait celui-ci pour recevoir cette récompense ?

Paraita (1787-1865) avait été, avec Utami, Hitoti et Tati (et également Paofai, malgré son absence lors de la rédaction du texte), signataire de la sollicitation du protectorat de la France le 9 septembre 1842. À cette date figurait déjà le titre de régent à côté de sa signature.

Après le désaveu du Roi Louis-Philippe concernant l’annexion du royaume de Pomare IV prononcée par Du Petit-Thouars, le protectorat fut rétabli par l’amiral Hamelin le 7 janvier 1845. Paraita redevint Régent. Pendant tout le temps du conflit qui opposa les soldats français aux Tahitiens qui soutenaient la Reine et le “parti anglais”, Paraita resta partisan de la France. On l’a vu combattre avec des volontaires tahitiens de 1844 à 1846.

En reconnaissance des services qu’il a rendus à la France, Bruat a donc demandé que la Légion d’honneur lui soit décernée. Un peu plus tard, en 1847, il écrivait à son propos : « D’accord avec Tati, Hitoti et Utami, il fut le premier à demander notre intervention et, depuis telle époque, son courage politique n’a jamais failli. […] Il exerce une grande influence sur toute l’île. […] Sous une enveloppe qui paraît lourde, il a de la finesse, du jugement et beaucoup d’esprit de conduite. On lui reproche de défendre ses intérêts avec trop d’acharnement. La Reine le craint »[1].

Vers 1853, il est ainsi décrit : « Ce fonctionnaire jouit, aujourd’hui, d’une influence énorme, qu’il étend tous les jours, avec une habileté et un esprit de suite qu’on ne reconnaît qu’à la longue. Très dévoué au gouvernement du Protectorat dont il est un des fondateurs et sait que la retraite des Français serait non une cause de ruine, car il est assez rusé pour en conjurer les conséquences, mais causerait un ébranlement, qu’il redoute. Malgré l’obésité de l’enveloppe, c’est, peut-être, l’un des esprits les plus déliés qu’il y ait parmi les Indiens. On peut lui confier certaines missions délicates. Son dévouement et son habileté les font obtenir. Son principal défaut est la rapacité, mais il sait néanmoins être généreux, au besoin. Sa nature et ses fonctions en font un antagoniste, presque naturel, de la Reine à qui il fait contrepoids. Paraita n’a pas de brillantes qualités, il est peu apte à parler en public».[2]

Malgré ces appréciations assez élogieuses quant à son rôle politique, le personnage était perçu plutôt négativement en France. Dans le journal Le Constitutionnel n° 320 du 15 novembre 1846, on pouvait lire, à propos de la décoration qui lui a été accordée : « […] Telle est cependant la puissance des souvenirs qui s’attachent à la Légion-d’Honneur, que nos soldats et nos officiers se croient noblement récompensés de leur bravoure, lorsqu’ils obtiennent la croix. Quelques décorations bien méritées ont été données à Taïti, par exemple. Mais était-il bien sérieux et bien intelligent d’enrôler dans la Légion-d’Honneur ce mannequin nommé Paraïta, que nous avons honoré du nom de régent, et dont les fonctions et la liste civile consistent principalement dans le monopole du blanchissage ? Ne pouvait-on récompenser ses services autrement que par la croix d’honneur ? Voici ce que nous écrivait l’année dernière notre correspondant de Taïti[3] : On a établi à Taïti un mannequin décoré du titre de régent, sous le nom de Paraïta. Ce vieux chef touche une pension de 5 à 6 000 fr. Or, comme il est très économe, il a cherché à augmenter son revenu par une petite industrie qui ne laisse pas que d’être fort lucrative. Ce haut et puissant seigneur coule la lessive deux fois par semaine, et profite de sa haute position sociale pour accaparer la clientèle des officiers de la marine royale, à qui il ne manque jamais d’aller rendre visite à leur arrivée en rade ; puis, les premiers complimens terminés, il fait un paquet du linge sale de tout l’état-major, qu’il emporte chez lui, et qu’il lave ensuite en famille. J’ai eu l’honneur de la lessive, dont le prix est invariablement fixé comme il suit : 5 fr., ou une piastre pour douze pièces indistinctement. – Nota. Vous fournissez le savon ; on ne répond pas des pièces égarées.»

Cet article malveillant éclaire bien le décalage entre la réalité polynésienne et la vision que s’en fait une certaine “élite” parisienne, plus prompte à démolir qu’à chercher à comprendre l’Indigène du bout du monde, habile profiteur d’un système qui lui a été imposé.

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[1]             Cité par O’Reilly, Tahitiens, Paris, 1975. [2]             Document présenté par le commandant Cottez, dans le BSEO n°112, 1955. [3]             Il s’agit peut-être d’Edmond de Ginoux, qui fut à Tahiti le rédacteur de L’Océanie française, de mai 1844 à juin 1845.

Ce dossier est constitué de dix pièces manuscrites et une dactylographiée.

Au départ de cet échange, il y a une lettre de l’observatoire, aux îles Samoa, de la Société Royale des  Sciences à Gottingen, partie de Apia et datée du 18 décembre 1905. De cette lettre, on ne possède que la traduction qui a été demandée au Consul d’Allemagne à Tahiti, M. Hoppenstedt, par le Secrétaire général, qui en accuse réception le 7 février 1906.

Il apparaît qu’aucune suite n’y a été donnée, et le 28 juin 1906, le Directeur de l’Observatoire écrit une deuxième lettre. Celle-ci est confiée au Consul, qui la renvoie avec la traduction le 10 juillet, évoquant la lettre précédente du 18 décembre. Le 23 juillet, le Gouverneur Jullien le remercie et lui demande de lui fournir une copie de la première lettre, ce qu’il fait le lendemain 27 juillet. Enfin, le 10 août 1906, le Gouverneur répond au Docteur Linke, Directeur de l’Observatoire d’Apia.

Les É.F.O. viennent de vivre des moments difficiles : les îles Tuamotu ont été frappées par des cyclones en janvier 1903, mars 1905 et février 1906. À cette dernière date, le phénomène a aussi touché Tahiti, mêlant vents puissants et raz-de-marée, qui détruisent la moitié de Papeete.

Le Directeur de l’observatoire des Samoa considère qu’il est « de son devoir de pousser à des études sur les cyclones dans le grand Océan ». Dans ses deux lettres, ses questions et ses arguments sont les mêmes.

D’abord : le gouvernement de É.F.O. ne serait-il pas « disposé à coopérer à nos opérations » en installant des stations d’observations météorologiques ? Les observations journalières « se composeraient d’observations du baromètre et de la direction et de la force du vent ». Il est précisé que l’opération ne serait pas onéreuse « puisque de bons baromètres à mercure peuvent être obtenus pour environ fcs.120 ».

Ensuite : l’observatoire a déjà « reçu l’assentiment des gouvernements des îles Gilbert, Ellice, Tonga, de Nelle Zélande, Niue » ; des observateurs sont en place aux îles Fanning, Christmas. « Il serait donc d’un grand avantage si quelques-unes des stations françaises pouvaient fonctionner déjà pendant la saison des cyclones ». La diplomatie n’est pas absente : « En exprimant l’espoir que la représentation de la République française au Pacifique conservant les traditions [de la] nation française de se mettre volontiers au service des sciences internationales, je vous prie, etc ».

Enfin, le Directeur assure que les traitements des données recueillies seront l’objet de rapports envoyés régulièrement « aux sociétés et gouvernements coopérateurs », et un service d’avertissement sera mis en place par l’observatoire quand la pose des câbles sous-marins le permettra.

Le Gouverneur, très sensibilisé par les phénomènes cycloniques, répond que des stations sont déjà en place dans les É.F.O., qu’il a prescrit d’en installer aux ÎSLV, aux Marquises et aux Gambier, et qu’il enverra à l’observatoire toutes les informations demandées « pouvant servir à vos observations relatives à la marche des cyclones dans l’Océan Pacifique ».

Dans l’immédiat, en septembre 1906, l’administrateur des Tuamotu Charles Marcadé fait paraître dans le J.O. des É.F.O. un « Manuel de météorologie appliquée à la prévention des cyclones en Océanie ».

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icone_encre_couleurs-en-coursCe document est une grande feuille de format 32,5×42 cm, d’abord pliée en deux. Cela donne 4 pages de format 21×32,5. La 1ère page est écrite en tahitien ; il n’y a rien sur la 2ème. Sur la 3ème, on lit la traduction en français. Sur la 4ème figure l’adresse : « Madame Bruat / Na Burua Vahine / Farani / Lettre de Pomare Arii ». Cette grande feuille a été pliée de sorte qu’elle se présente comme une lettre dont le dernier pli était collé et « scellé » par le cachet (coupé en deux après l’ouverture) : « ARII NO TAHITI É MORÉA && / POMARÉ VAHINE ».

À cette époque, le gouverneur Lavaud poursuit la politique engagée par Bruat (qui a quitté Tahiti en mai 1847), avec cependant plus de détermination à bien définir les conditions de fonctionnement du protectorat, conditions acceptées par la Reine dans la Convention qu’elle a signée le 5 août 1847.

Le 17 décembre 1847, la Reine Pomare IV accouche d’un cinquième garçon. Dans une lettre qu’il adresse au ministre à Paris, le gouverneur écrit que la Reine, avant la naissance, lui avait exprimé le désir que cet enfant « prît le nom d’un des fils du Roi des Français qui aurait eu alors sur cet enfant les mêmes droits que son père. […] J’ai répondu immédiatement par le nom de Joinville ».

François d’Orléans, prince de Joinville (1818-1900), est le 3ème fils (et 7ème enfant sur 10) du Roi Louis-Philippe, duc d’Orléans, et de Marie-Amélie de Bourbon. C’est un brillant officier de marine, qui se distingue sur de nombreux théâtres de conflits navals. (Son nom reste attaché au transfert des restes de Napoléon 1er en 1840.)

On sait l’importance du nom dans la mentalité tahitienne. La Reine, par ce lien, pensait créer une véritable alliance. Lavaud, qui n’a pas, comme Bruat, une connaissance et une empathie réelles pour les Tahitiens qu’il côtoie, semble se moquer : « Ces détails tout puérils qu’ils puissent paraître ont une haute portée politique ! »

Pendant quelques mois, de février à mai 1847, Pomare IV avait pu apprécier la gentillesse et la courtoisie du couple Bruat. Elle est sincèrement désolée de leur départ. Cette lettre qu’elle écrit à Madame Bruat semble ne pas être la première : « Mes lettres vous sont-elles parvenues, ou ne les avez-vous pas reçues ? » Elle exprime ainsi sa tristesse : « J’ai pour vous une vive affection. Mon cœur est plein de chagrin de votre absence ».

Elle annonce à son amie qu’elle a prénommé son nouveau-né Tuavira : « C’est le gouverneur qui l’a donné, et c’est là ce qui représente en tahitien le nom du fils de Louis-Philippe ». On pourrait penser que le courant passe bien entre elle et Lavaud, qui est le parrain. Mais deux jours plus tard (le 3 avril 1848), dans une autre lettre qu’elle adresse à Bruat, elle écrit : « Je n’ai pu m’accorder avec le nouveau Gouverneur. Il ne prête point l’attention à mes paroles. […] ». En fait, Pomare IV commence à prendre conscience des limites de son pouvoir, et elle espère avoir l’écoute directe des autorités à Paris. Or en février 1848, la Révolution a chassé Louis-Philippe, et Bruat, après quelques mois à Toulon, va partir comme gouverneur aux Antilles.

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icone_encre_couleurs-en-coursPaul Huguenin (1870-1919) et son épouse séjournèrent dans les É.F.O. de 1896 à 1899. De nationalité suisse, ils œuvrèrent dans l’enseignement protestant à Raiatea. C’est l’état de santé de Paul qui les firent revenir en Europe. En 1902, il publia Raiatea la sacrée, puis, en 1912, Aux Îles enchanteresses.

Eugène Caillot (1866-1938) était musicien, voyageur et historien de la Polynésie. Il fit deux séjours dans les É.F.O. : en 1900 et en 1912-1913. Il publia en 1909 Les Polynésiens au contact de la civilisation, et en 1910 Histoire de la Polynésie orientale, puis trois autres ouvrages en 1914 et 1932.

Il est probable que c’est par la lecture de leurs ouvrages qu’ils furent amenés à entrer en communication. Il semble que leur relation soit restée épistolaire.

Les trois premières lettres sont datées de 1912 et envoyées de La Tour-de-Peilz (ville de Suisse, canton de Vaud, près du lac Léman) où leur auteur résidait.

La première, du 4 février 1912, nous apprend que Huguenin était au courant du départ prochain pour les É.F.O. de celui qu’il qualifie “d’explorateur“. Il espère que sa lettre arrivera avant son départ. Il annonce qu’il a l’intention de publier « a traduction illustrée d’un récit de voyages et d’aventures d’un Américain aux Îles Marquises en 1842 » et il demande à Caillot si celui-ci pourrait « (lui) communiquer les photographies (qu’il a) prises aux Îles Marquises et à quelles conditions ? »

Le 26 février, il écrit à nouveau à Caillot, qui a répondu à la première lettre le 15 février « la veille de votre départ ». Sachant son correspondant parti de France, il lui adresse ce courrier à Papeete, en « poste restante », en précisant « via New-York et San Francisco ». Au dos de l’enveloppe apparaissent les tampons postaux de ces deux villes : New-York le 6 mars, et San Francisco le 10 mars.

« Je ne sais pas si ces quelques renseignements pourront vous être de quelque utilité », précise-t-il. En fait, sur quatre pages, Huguenin évoque ses souvenirs et énumère un grand nombre de ceux qu’il a connus. « Je vous serais infiniment reconnaissant, cher Monsieur, si vous consacriez quelques jours à voir mes fetii, et spécialement mon fils adoptif, Riti tane, fils de Taumihau ». Il lui en demande même une photo. Il lui recommande plusieurs personnes : les deux demoiselles Bouzet, « femmes de grand savoir, munies de nombreux brevets, décorées des palmes académiques, qui dirigent avec un dévouement magnifique les Écoles françaises indigènes de Papeete », la famille Goupil, le Procureur de la République Charlier… Par contre, il faut qu’il se méfie des frères Gooding, du Sieur Brunel, le missionnaire protestant d’Uturoa, « qui surveille jalousement les indigènes ». En règle générale, il le met en garde : « En ces lieux retirés, il faut être prudent et se défier plutôt que de se confier ». Il termine en exprimant le plaisir qu’il aura à lire « les beaux ouvrages que vous nous donnerez ».

La troisième lettre est daté du 31 juillet, postée le même jour. On apprend d’abord qu’une lettre de Caillot postée à Papeete le 18 avril est parvenue à Huguenin le 30 mai. L’explorateur lui a annoncé qu’il se rend à Mangareva pour six ou huit mois. « J’espère que les bons Pères ne vous auront pas causé d’ennuis pendant votre séjour aux Gambier et que vous aurez réussi pleinement dans la mission scientifique que vous vous êtes imposée ». » Pour lui être utile dans ses recherches ethnographiques, Huguenin dresse à nouveau la liste de ceux qu’il connaît à Raiatea. C’est un prétexte pour évoquer ces gens qui lui sont chers, en premier son « fetii Taumihau tane, un homme serviable, dévoué et désintéressé, le père de mon enfant adoptif Riti-tane ». Il demande des nouvelles d’une douzaine de personnes. « Je me demande si les enfants de Raiatea chantent encore les quatre-vingt et quelques chants, chansons, couplets que madame Huguenin leur avait appris. De notre temps on n’entendait dans la brousse que “Montagnes Pyrénées“, “Allons enfants de la Patrie“ etc, etc. » Il lui en demande « quelques bons clichés, même de petites photographies 6 1/2 x 9 ».

Caillot a proposé d’apporter à Raiatea des cadeaux qu’Huguenin pourrait envoyer de Suisse à ses fetii. Il le remercie. « Pour ne pas faire de jaloux, il faudrait que j’expédie un vrai bazar dans une caisse par Bordeaux. C’est trop compliqué. J’aime mieux attendre d’y aller moi-même.»

On apprend qu’il a en projet de faire le tour du monde avec un de ses amis qui a déposé « plusieurs brevets d’invention, entre autres pour des appareils électro-médicaux […] et que je m’occupe de lancer sans pour cela abandonner la peinture ». Ce serait une tournée promotionnelle, aux États-Unis et au Japon entre autres, avec un séjour de quelques mois à Tahiti et à Raiatea. Il emporterait son matériel de peinture, un appareil photographique, « un appareil enregistreur de cinématographe et un graphophone pour tâcher de fixer définitivement et de sauver de l’éternel oubli ce qu’il y a encore d’original parmi les mœurs de ce beau peuple qu’on “civilise“ à tour de bras, ce qui est un grand malheur à mon humble avis ».

Enfin il espère recevoir encore des nouvelles de lui dans l’année.

Il est probable que le manque de moyens et la guerre n’ont pas permis la réalisation de son rêve de voyage.

La quatrième lettre est datée du 27 novembre 1918. Elle est postée le même jour et adressée à Monsieur Eugène Caillot, 8 Rue de Turenne, Paris. Au dos de l’enveloppe, l’expéditeur ajoute à son nom « Artiste-Peintre ». Paul Huguenin écrit de son lit dans l’Hopital cantonal de Lausanne. Il remercie son correspondant de lui avoir envoyé son dernier ouvrage Mythes, Légendes et Traditions des Polynésiens, qu’il a reçu « au surlendemain d’une opération douloureuse et bien réussie, et comme je dois garder le lit ici pour dix jours encore, la lecture de votre œuvre me procure les plus beaux moments en me faisant pour ainsi dire revivre au milieu de mes chers Tahitiens ». Il annonce qu’il en fera le compte rendu dans le prochain bulletin de la Société neuchâteloise de Géographie. Il aimerait recevoir l’ouvrage Épisodes d’un voyage autour du monde (1899-1903), lui proposant en échange son livre Aux Îles enchanteresses. Il lui propose ses services : « Si jamais vous avez besoin d’un dessinateur pour illustrer vos futurs ouvrages, je serais charmé d’être votre homme ».

Mais ce nostalgique des îles du Pacifique sud est gravement malade. Il meurt chez lui le 11 mai 1919. Dans l’édition de 2011 de Aux Îles enchanteresses[1], il est dit (en note de l’éditeur) : « D’après un témoignage familial, Paul Huguenin avait ramené des îles une blessure à un pied causée par un poisson volant. Cette blessure, jamais guérie, a fini par donner un cancer mortel […] » ».

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[1]     Paul Huguenin, Aux Îles enchanteresses sous le vent de Tahiti, Haere Po, 2011

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