Le cocotier, l’arbre providence, apporte de multiples ressources aux Polynésiens. La filière coprah fortement subventionnée est une ressource traditionnelle pour les archipels éloignés de Tahiti, toutefois limitée. Une problématique déjà pointée du doigt dans les années 1950.
Le journal mensuel gratuit d’informations culturelles Hiro’a du mois d’avril 2020 (N°151). Bonne lecture ! A tai’o maita’i !
Au sommaire :
– dix questions à Fabien Mara Dinard, directeur du Conservatoire artistique de polynésie française
– La Mouette de Tchekhov : une réflexion sur le théâtre
– hommage au grand poète
– To ù fare au
– Le tīfaifai , une poésie de tissus
– Le dernier adieu vibrant à Coco Hotahota
– Les jeunes prennent soin du marae Taputapuatea
– Des dieux et des hommes : le monde de la musique aux îles Marquises
– L’archéologie à l’honneur
– Le CMA en mode « examens »
– retour sur Des victoires et des rencontres
Au temps du protectorat, les autorités des Australes sont confrontées à un problème qu’elles n’ont pas le pouvoir de contrôler : la fabrication et la consommation de jus d’orange fermenté. Elles tirent rapidement la sonnette d’alarme sur les désordres que cet alcool confectionné en secret génère, mais il faudra plus de quinze ans avant qu’un gouverneur ne légifère jusque dans cet archipel où la liqueur est déjà devenue un fléau.
Au temps des Établissements français de l’Océanie, la consommation de ava anani, un alcool fait maison à base de jus d’orange, a pris des proportions inquiétantes pour des autorités locales démunies. « Depuis longtemps le jus d’orange règne en maître parmi la jeunesse de 18 à 25 ans ; ils savent que le gendarme ne peut rien leur dire si ce n’est dans un lieu public et ils s’en vont à l’intérieur dans la brousse et se moquent de l’autorité » s’alarme Truchet, dont c’est la fonction à Raivavae, dans une note adressée en novembre 1895 au directeur de l’Intérieur.
Estimant qu’il faut agir sans attendre, au risque que ces pratiques ne deviennent « une plaie dans l’île qui sera d’autant plus difficile à guérir qu’elle sera plus enracinée », le gendarme lui a fait parvenir une pétition signée du conseil de district qui réclame purement et simplement l’interdiction de la fabrication et la consommation de l’alcool d’oranges. À l’époque, il était uniquement habilité par la loi à surveiller les arrivages par goélettes des boissons alcooliques et leur vente et réprimer l’ivresse sur la voie publique. Les conseillers de Raivavae veulent donc des mesures coercitives radicales et la possibilité d’infliger de fortes amendes à ceux qui recèlent ou qui fabriquent ce breuvage, car « cette boisson est cause de tous les désordres : le vol, le bris des maisons, les rixes, etc. ». Ils demandent l’adoption d’une loi applicable par tous les fonctionnaires « dans notre district partout, dans les brousses, les montagnes, les maisons, partout où elle sera bue ».
Une requête à laquelle le directeur de l’Intérieur ne peut « donner satisfaction », d’autant qu’elle nécessite un décret qui ne peut être décidé qu’à Paris…. « Je vous invite à appliquer rigoureusement la loi sur l’ivresse actuellement en vigueur dans les Établissements français de l’Océanie » se contente-t-il de leur rappeler. Les Australes sont-elles trop loin des yeux du gouvernement de la colonie pour que cette inquiétude soit à son ordre du jour ?
Deux poids deux mesures
Ce n’est que quatorze ans plus tard, le 10 février 1909, qu’un arrêté du gouverneur va promulguer le décret du 28 octobre 1908 « interdisant dans la colonie la fabrication de toutes boissons fermentées ». Si le préambule de ce décret montre à quel point l’alcoolisme était devenu un fléau, il souligne aussi que la prise de conscience s’était limitée à ce qui était visible pour le gouvernement de la colonie à Tahiti et à Moorea : « Depuis de longues années, une des principales préoccupations de l’Administration locale des Établissements français de l’Océanie a toujours été (…) d’enrayer les ravages causés par l’alcoolisme. Pour atteindre ce but, des mesures absolument radicales ont été appliquées dans les archipels et elles ont donné les meilleurs résultats. À Tahiti même et à Moorea où la consommation des spiritueux était restée autorisée, de tels abus s’étaient produits qu’un décret du 21 janvier 1904 dut prohiber la vente des boissons alcooliques dans ces deux îles » sauf pour Papeete où est concentrée la population européenne. Pourtant lorsqu’il parle des archipels, le législateur ne précise pas qu’il s’agit des Marquises, des Gambier et des Tuamotu. Les Australes n’ont pas été concernées. Il faut encore attendre deux ans, le 14 janvier 1911, pour que le gouverneur prenne un arrêté réglementant la consommation des boissons alcooliques ou fermentées dans ces îles. Et il faudra patienter encore quelques mois pour que soit promulgué le 24 juin de la même année, le décret du 11 avril qui en prévoit l’interdiction à Tubuai, Raivavae et Rapa « pour les indigènes originaires des Établissements français de l’Océanie et Océaniens de toutes provenances » sous réserve d’autorisations écrites et personnelles délivrée par l’Administration. Une prohibition qui comprend toutes les boissons alcooliques et les parfums liquides à base d’alcool.
Si le préambule du décret de 1908 souligne les bienfaits de la réglementation, le nombre des contraventions « pour rixes et ivresse [ayant] immédiatement diminué dans de fortes proportions », il met aussi en exergue le fait que ces bons résultats étaient compromis depuis plusieurs mois par la fabrication et la mise en vente d’une bière locale. « Obtenue par la fermentation du miel avec adjonction de divers autres ingrédients », elle enivre rapidement et sa « consommation abusive parmi les indigènes » est vue comme « un véritable danger pour l’avenir de la colonie ». Seule sera donc autorisée la fabrication de « la bière proprement dite, dont la fabrication serait plutôt à encourager ». Comprenne qui pourra !
Texte : à partir d’une note de Michel Bailleul – Fonds du gouverneur 48 W 1079
C’est en 1934, après douze années de construction, que le phare de Makemo est inauguré en grande pompe. Un phare qui, pourtant, n’était apparemment pas prévu, du moins sur cet atoll des Tuamotu.
Une foule nombreuse s’est rassemblée sur la place de la maison commune et s’est rendue en cortège, pavillon français en tête, suivie des chefs des districts et du
capitaine de la Moana sur le site. On est en 1934 et la construction du phare de Makemo sur le roc de « Mamahuaragi » aura duré douze ans, comme la Bastille (!) est-il évoqué dans les discours des chefs de districts qui se succèdent pour le célébrer.
L’inauguration du phare de Makemo devait d’ailleurs se tenir le 14 juillet mais quelques difficultés en ont contraint le report deux jours plus tard. Ce bâtiment
rappelle « la douleur de ceux qui sont décédés depuis ou qui sont partis pour d’autres pays » et qui avaient participé à son édification « mais aussi la joie que procure ce travail terminé » déclare Peniamina Tagaroa a Maifano. Posté à la fenêtre du phare, le capitaine le décrit comme « un travail sûr, admirable, beau et très nécessaire pour les marins ». C’est le gouverneur Lucien Montagné qui a eu le privilège de l’allumer, et l’évêque Amédée Nouailles, dont l’un des premiers postes aux Tuamotu était Makemo en 1899 en tant que prêtre, qui l’a béni.
Le phare de Makemo à Pouheva n’apparaît pas dans les registres de procès-verbaux de séances de la commission permanente du fonds de la commission des phares aux Archives nationales. Il semble que cet édifice ait été construit sur une initiative locale.
Dans la séance du 17 mai 1929 intitulée « Éclairage de l’archipel des Tuamotu », l’ingénieur en chef du service central des phares et balises débute son exposé
de la façon suivante : « La question de l’éclairage de l’archipel des Tuamotu est née, avant la guerre, de la perspective de l’ouverture imminente du canal de Panama et de l’importance que pourrait rendre la situation de Tahiti comme point d’escale de la navigation transpacifique. (…) » L’une des routes envisagées en 1913 entre Panama et Tahiti passait par le sud des Marquises avec un phare à Fatuhiva, et par le nord-ouest des Tuamotu avec un phare à Matahiva. Après dix-sept ans de réflexion et d’études sur le problème de l’éclairage des abords de Tahiti, la commission est en présence de trois solutions : celle qui a été évoquée en 1913, une route qui traverse les Tuamotu par Fakarava et l’éclairage simultané des deux routes. La commission propose au Département des Colonies, à qui il incombe de prendre la décision, la solution suivante : mettre un feu sur Matahiva pour la route nord de l’archipel des Tuamotu ; à Napuka pour l’atterrissage en venant de l’est, puis à Kauehi et Aratika et à Fakarava et Niau pour le passage du centre. Le phare sur Fatuhiva est abandonné et aucune mention pour Makemo… Il existe cependant désormais bel et bien et c’est M. Ione, Patea, Roo a Anania qui en a été nommé gardien dès 1933 moyennant « une indemnité mensuelle de quarante francs (40 frs). »
Texte à partir d’une note de Robert VECCELLA – Fonds du gouverneur 48W 508 – 1934
Photo avec l’aimable autorisation de Tahiti Heritage.
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