Le journal mensuel gratuit d’informations culturelles Hiro’a du mois de septembre (N°144). Disponible aux points habituels ou bien téléchargeable depuis le site www.Hiroa.pf ou les autres sites partenaires.
Au sommaire :
– dix questions à Dee Dee Bridgewater, chanteuse de jazz américaine – Le Tahiti Soul Jazz va nous faire « groover » – « Panier marché » plutôt que sac plastique à la foire agricole – Journées du patrimoine : profitez du Musée en famille – Le marae Marae-Ta’ata, monument de l’histoire de Tahiti – Le CMA expose en Australie – To’ata accueille les grandes voix polynésiennes des années 1980 pour un concert unique – Te tahi mau fa’a’ohipara’a o te’ofe’ofe, te’o ovao, te’o oporo, ‘e te’opuhi – Apprenez la langue des signes et le mandarin – Au SPAA, des stagiaires CvD à votre service – Casa : seize projets soutenus dans le domaine de la culture – quand Fakarava formait les cadres des Tuamotu
Pas simple de se faire payer une facture quand le client juge le service insuffisant ! La compagnie Électricité & Téléphone de Tahiti en charge du réseau téléphonique à la fin des années 1920 se lance dans un bras de fer avec la colonie pour obtenir gain de cause.
Trente-et-un décembre 1928. Émile Martin, directeur de la compagnie Électricité & Téléphone de Tahiti adresse une facture au service des Postes et Télégraphes d’un montant de 3 000 Fcfp. Celle-ci correspond aux primes mensuelles du dernier trimestre de l’année pour l’utilisation de la ligne téléphonique.
Douze janvier 1929. Le chef du service des Postes et Télégraphes informe le gouverneur qu’il réserve sa signature pour le paiement de cette facture et remet en cause le bon fonctionnement du réseau téléphonique au cours du trimestre. Il s’appuie pour cela sur les rapports de deux conducteurs du service des Travaux publics sur les dysfonctionnements sur les lignes téléphoniques. C’est d’abord le rapport émanant du conducteur Alfonsi, de la subdivision de Taravao, qui précise que si les communications sont « assez bonnes » dans un sens, elles ne sont pas toujours possibles dans l’autre. L’auteur du rapport estime qu’il faudrait réviser entièrement l’installation des réseaux, et remplacer les appareils défectueux. Le second rapport émane du conducteur Cazabon, de la Subdivision de Papeete-Districts pour les lignes téléphoniques. Il est beaucoup plus critique que le premier assurant même que sur certains tronçons la ligne n’a jamais existé tandis que sur d’autres il faut hurler dans les appareils pour s’entendre. Il dénonce des installations vétustes. Six mars 1929. Émile Martin s’adresse au gouverneur pour le « prier de vouloir bien faire mandater [sa] facture de frs. 3 000. […] . » Il défend le service fourni affirmant qu’une seule interruption a été signalée en novembre, à laquelle il a remédié et rappelle que le contrat passé avec la colonie stipule que le bon fonctionnement sera admis s’il n’est pas constaté plus de deux interruptions d’un maximum de quatre jours sur un point quelconque de l’ensemble du réseau.
Il réclame donc son dû, « attendu que l’exploitation téléphonique est très onéreuse et sans profit pour l’entrepreneur. » S’ensuivent plusieurs échanges de courriers entre le gouverneur et Émile Martin, qui ne nie pas la vétusté de l’installation, mais affirme que cela n’entraîne pas forcément un mauvais fonctionnement. Ce dernier justifie également l’absence d’investissement dans un nouveau réseau en raison d’une incertitude vis-à-vis du renouvellement du contrat pour les dix ans à venir.
Quinze avril 1929. Le gouverneur rédige : « Au terme de l’article 4 (dudit) marché, la prime est payable trimestriellement après constatation du bon fonctionnement du téléphone pendant chaque trimestre. » Les deux rapports sont formels : le téléphone a mal fonctionné. « L’Administration ne s’est donc pas cru autorisée à vous mandater pour cette période la prime en question et je regrette de ne pouvoir modifier ma décision. » On ne sait pas si les 3 000 francs ont été payés. Ce qui est sûr, c’est qu’Émile Martin a cédé son activité téléphonique le 4 décembre 1930 à la Colonie des Établissements Français d’Océanie. ◆
Pratique
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Service du Patrimoine Archivistique Audiovisuel (SPAA)
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Dépôt des archives quartier Alexandre – Tipaerui . Papeete
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Tél : 40 419 601
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service.archives@archives.gov.pf
Émile Martin
Né à Papeete, Émile Martin (1879-1959) est un industriel et commerçant. C’est lui qui a construit en 1912 le premier cinéma de Tahiti avant de racheter en 1917 avec deux associés, une petite usine électrique à laquelle était jointe une entreprise d’installations téléphoniques. Il devient en 1921 le seul propriétaire de l’affaire. À cette époque, deux meubles standards permettent de desservir un réseau comprenant deux cent dix postes, dont vingt-huit dans les districts
Texte : ASF à partir d’une note de Michel Bailleul – Photos : droits réservés SPAA – Archives PF
Milan Rastislav Štefànik, astronome d’origine Tchèque, a créé un observatoire à Tahiti et fortement contribué à promouvoir le mythe de Tahiti en Europe.
« M. Stephanik prie le public de bien vouloir s’abstenir de monter à l’observatoire de Faiere en dehors de certains jours, qui seront fixés ultérieurement », peut-on lire dans le Journal officiel des Établissements français de l’Océanie en date du 26 mai 1910 où se côtoient les avis pour les bons de la Caisse agricole aux pêcheurs, la vente de bicyclette « Tenot » et diverses annonces par des agents maritimes. Mais qui est donc ce « Stephanik* » et de quel observatoire parle-t-on ?
Milan Rastislav Štefànik, docteur es-sciences, astronome attaché aux observatoires de Meudon, de Paris et du Mont-Blanc est né le 21 juillet 1880 à Košariskà. en Hongrie à l’époque, Slovaquie de nos jours. Son père est Pàl Štefànik, un pasteur évangéliste. Il arrive à Tahiti le 27 avril 1910 par le vapeur Mariposa et quitte l’île définitivement le 19 octobre 1913 par le vapeur Tahiti en partance pour San Francisco. Pendant trois ans, il multiplie les missions du Bureau des longitudes pour des observations astronomiques et des missions diplomatiques pour le gouvernement français dans le Pacifique (Tonga) et en Amérique du Sud (Brésil et Équateur). Sa venue à Tahiti en 1910 est liée à l’observation du passage de la comète Halley. Dans une note du ministre de la Marine, il est indiqué que Štefànik a créé et installé à ses frais un observatoire à Tahiti et organisé, dans les îles de l’Océanie française, un service météorologique complet. En 1913, c’est une toute autre mission qui lui est confiée. Le ministère des colonies à Tahiti le charge des études préparatoires à l’établissement de la télégraphie sans fil en Océanie française.
Diplomate, scientifique, politique
À son retour en Métropole après son départ de Tahiti, il enchaîne les missions scientifiques et diplomatiques. Le 30 juillet 1914, il est nommé chevalier de la Légion d’honneur en tant qu’astronome sur proposition du ministre de la Marine. Deux ans plus tôt (27 juillet 1912), il avait été naturalisé français pour services exceptionnels rendus à la France depuis 1905. Dès le début de la guerre, il s’engage dans l’armée de l’air et monte rapidement en grade. Nommé officier de la Légion d’honneur sur proposition du ministre de la Guerre, le 20 octobre 1917, il est promu commandeur de la Légion d’honneur le 9 janvier 1918. Son attachement à son pays d’origine et les très bonnes relations avec sa patrie d’adoption lui permettent d’avoir un rôle diplomatique et politique de premier plan. En 1918, Il est général de l’armée tchécoslovaque, et vice-président de la nouvelle république tchécoslovaque dont il est membre fondateur. Il déclare qu’après la guerre, il a l’intention de se fixer à Tahiti pour y reprendre ses travaux astronomiques. Le sort en décide autrement, son avion s’écrase le 4 mai 1919…
L’observatoire du Faiere
Que reste-il de l’observatoire du Faiere qu’il a créé ? Très peu de chose, à peine quelques photographies de l’époque, car il aurait été accidentellement incendié le 9 septembre 1948. Où se trouvait-il ? Sur le Mont Faiere, au-dessus de Papeete et surplombant l’entrée de la vallée de Sainte-Amélie. Dès 1845, l’armée française envisage d’installer à cet endroit un fort éponyme. De nos jours, l’emplacement est un lotissement où vivent les militaires et leurs familles. Une stèle y commémore la mémoire du passage de Štefànik à Tahiti depuis 1994. Sur le socle du télescope détruit en 1948, on pouvait lire : « TAHITI 9 MAI 1910 – KEROUAULT, INGENIEUR – STEFANIK, ASTRONOME – FROGIER, CONSTRUCTEUR » . Jean Kerouault apparaît dans le JOEFO à partir du 10 janvier 1910, conducteur de 4e classe des Travaux publics à Tahiti, il en prend la direction. Il quitte le service en 1921, en raison de la suppression de son poste. Il est alors ingénieur des Travaux publics des colonies, la décision du gouverneur des Établissements français d’Océanie le mettant en disponibilité précise qu’elle aura son effet le jour du départ du paquebot Tahiti sur lequel il s’embarquera. Le vapeur anglais Tahiti de 4 541 tonneaux arrivé le 11 octobre de Wellington est reparti pour San Francisco le 14 du même mois. Durant onze ans il est directeur et missionné pour de nombreuses activités ou diverses commissions. Durant la guerre, il est lieutenant du 8e Génie et pour sa belle conduite au front comme chef des travaux de la 2e armée, il fait l’objet d’une citation du ministre de l’Armement et l’objet d’une proposition pour la croix de chevalier de la Légion d’honneur qui ne semble pas avoir été suivi d’effet. Enfin, le constructeur Frogier peut être soit Édouard (1878-1941) entrepreneur soit Alphonse (1884-1957) charpentier. Il est possible que ce soit ce dernier, car l’observatoire de Štefànik est réalisé en bois.
Un timbre polynésien à son effigie
À l’occasion du salon philatélique international de Prague qui a eu lieu du 15 au 18 août 2018, la Poste polynésienne a rendu hommage à cet astronome d’exception qui a mis ses connaissances scientifiques au service de la Polynésie, et contribué à promouvoir le mythe de Tahiti en Europe. Un timbre d’une valeur de 140 Fcfp a été édité avec le portrait de l’astronome réalisé par Evrard Chaussoy, un artiste polynésien de Raiatea. Dans sa présentation, la Poste polynésienne souligne que Štefànik, très apprécié de la population, était nommé « Taata Hi’o Feti’a », « l’homme qui regarde les étoiles ». Selon La Poste « La venue de Štefànik a incité, notamment à travers ses activités photographiques, plusieurs familles d’origine tchèque et slovaque à s’installer à Tahiti, à partir de 1926. Ces familles ont créé une Société tchèque de colonisation, soutenue par une banque de Prague. Certains tenteront de coloniser la vallée de la Papenoo, d’autres, le plateau de Toovi à Nuku Hiva, suite aux dissensions internes. Parmi les arrivants on peut citer : Jaroslav Otcenasek, Jean Duchek, Rudolph Panek, François Cap, Rudolph Klima, et Milos Rivnac. D’autres, moins connus, sont allés par la suite, travailler à Makatea. Rudolph Klima a écrit un article au sujet de Štefànik et l’Observatoire dans le Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes, numéro 96 de 1950. »
3* Le nom est ainsi orthographié dans le JOEFO. Légendes- R. Štefànik au travail sur l’île de Tahiti. Place of the original – Slovak National Library – Literature Archive – SŠ 51/235 – Droits réservés
Le journal mensuel gratuit d’informations culturelles Hiro’a du mois d’août (N°143). Disponible aux points habituels ou bien téléchargeable depuis le site www.Hiroa.pf ou les autres sites partenaires.
Au sommaire :
– Meari Manoi, gestionnaire du Paysage culturel Taputapuatea
– Le Heiva se poursuit dans les jardins du musée
– Koru : un concert avant l’album
– L’herbier du Musée de Tahiti et des Îles de nouveau ouvert
– Un grand costume célébrant la paix
– Prêts pour la rentrée !
– Jeunes artisans, montrez votre talent !
-L’empreinte de Štefánik
– Du rififi sur la ligne
– Sept Polynésiens embarqués sur les navires espagnols
– Hommage à Marimari Kellum de ’Opunohu, Mo’orea, Polynésie française
-‘Orero no’Opunohu : Te fenua ’e te moni
Avenue Pōmare V, hommage au dernier roi de la dynastie Pomare
Pōmare V, roi à la vie dissolue pour l’époque et peu intéressé par la vie politique, abdiqua en faveur de la France, en 1880. Une avenue de Pape‘ete porte encore son nom aujourd’hui.
Teri΄i Tari΄a Tera΄atane Pōmare est le dernier roi de la dynastie Pōmare, et tout naturellement une avenue de Pape’ete porte son nom. Celle-ci traverse le quartier Faariipiti, s’étend sur 1,2 km à partir du quartier Vaininiore au niveau du pont de la rivière Papeava, jusqu’au cours de l’Union sacrée qui la coupe perpendiculairement. Elle est parallèle à deux autres avenues qui portent, elles aussi, des noms polynésiens prestigieux : l’avenue du chef Vaira΄atoa et celle du Prince Hinoi.
La dénomination de cette nouvelle avenue, quarante-cinq ans après la mort du roi, a fait l’objet d’un arrêté municipal le 5 octobre 1937. Signé par le maire de la commune, Georges Bambridge, cet arrêté concerne tout le quartier de Faariipiti avec la dénomination de six nouvelles avenues, quatre rues et un square.
Un mariage politique
Teri΄i Tari΄a Tera΄atane (1839-1891) est le fils cadet de Pōmare IV. Il prend le nom de son frère aîné Ari΄i aue décédé en 1855 d’une infection pulmonaire. En 1857, il épouse la fille du roi de Huahine, la princesse Tamarii a Teururai. Quatre ans plus tard, le couple divorce. Le jeune prince, alors célibataire, a une vie assez dissolue pour l’époque selon les ouvrages historiques. Rattrapé par son rang quelques années plus tard, il est contraint de contracter un mariage politique et épouse sa très jeune cousine Joanna-Marau Salmon (elle a 15 ans et lui 36) le 28 janvier 1875. Les mariés vivent peu ensemble et la jeune épouse repart rapidement chez ses parents, laissant son mari reprendre sa vie débridée. Le 24 septembre 1877, après la mort de la reine Pomare IV, il est couronné et devient Pomare V.
Abdication et héritage
En mars 1879, Marau accouche d’une petite fille. Le roi, dans un premier temps, refuse de reconnaître l’enfant, avant de s’y soumettre, la loi française interdisant de désavouer un enfant né d’un mariage. En revanche, la loi l’autorise à priver d’héritage cette petite fille en supprimant la royauté de Tahiti. La France négocie dans ce sens via le commandant Isidore Chessé dans ce sens pour renforcer sa présence dans l’Océanie et transformer définitivement le protectorat en colonie. Le roi Pomare, avec quelques chefs qui lui sont favorables, accepta de placer son peuple sous l’administration française, sans prendre peut-être toute la mesure de son acte. L’annexion du royaume de la Société et dépendances par la France fut prononcée le 29 juin 1880, réglant ainsi les différents familiaux du roi qui divorce en 1888, mais aussi ses nombreuses dettes. Pomare V meurt le 12 juin 1891 et est inhumé à l’intérieur d’un mausolée connu sous le nom de Tombeau du Roi, à la pointe Outuai΄ai, à Arue.
L’ascension américaine du mont Aora΄i
Troisième plus haut sommet de Tahiti, le mont Aora΄i a fait l’objet d’une expédition scientifique américaine en 1839. Son ascension est relatée pour la première fois par l’explorateur Charles Wilkes, dans un ouvrage intitulé Narrative of the United States’ Exploring Expedition during the Years 1838, 1839, 1840, 1841, 1842, Condensed and Abridged.
Si le mont Aora΄i, à Tahiti, est le troisième plus haut sommet de l’île (2066 m), il n’existait vraisemblablement aucun écrit le concernant jusqu’en 1839, date à laquelle l’officier et explorateur de la marine américaine Charles Wilkes[1] décide de faire le récit de l’ascension par ses co-équipiers. Ces hommes arrivent en septembre 1939 à Tahiti dans le cadre d’une expédition à caractères scientifique et cartographique commandée par le secrétaire à la Marine des États-Unis. L’explorateur est le commandant de la United States Exploring Expedition (1838-1842) composée de six navires[2]. Relevé des ports, cartographie des côtes, mais aussi mesure des plus hauts sommets de Tahiti sont au programme…
C’est ainsi qu’une expédition est organisée pour l’ascension du mont Aora΄i comme le raconte Charles Wilkes dans son ouvrage qui semble très précis, bien que comportant quelques contradictions. Le point de départ mentionné du circuit emprunté par l’équipe, est « à l’arrière de Papeete », mais l’ascension se fait en réalité par la crête qui part du col du Tahara΄a plus communément appelée « cité Jay ». La descente, elle, se fait par une autre crête, le chemin actuellement emprunté pour atteindre le mont Aora΄i, depuis le Belvédère, à Pirae. Voici quelques extraits du récit :
« Après le départ du Vincennes, un groupe du Peacock, composé de M. Dana[3] et de quelques autres personnes, a obtenu du capitaine Hudson l’autorisation de partir pendant cinq jours, avec le projet de gravir le mont Aora΄i. Ils ont commencé l’ascension immédiatement à l’arrière de Papeete[4] et, à midi le deuxième jour, ils avaient atteint une altitude de 1 524 mètres, où ils se trouvaient sur une plate-forme d’environ douze pieds carrés[5] ; de là, ils avaient la vue sur la vallée de Matavai[6] à l’est, 600 mètres plus bas ; à l’ouest, ils surplombaient la vallée de Toanoa[7], une gorge d’environ 300 mètres de profondeur ; au sud, la plate-forme sur laquelle ils se trouvaient, était reliée par une étroite crête au mont Aora΄i, qui n’était apparemment pas très loin devant eux. À cet endroit, ils ont été obligés d’y passer la nuit en raison d’un brouillard qui les enveloppait. Les guides ne voulaient pas les conduire plus en avant, refusant d’avancer sur le dangereux chemin jusqu’à ce que les nuages disparaissent.
Le lendemain matin, le temps était clair et ils poursuivirent leur progression le long d’une crête d’une largeur maximale de 60 à 90 centimètres, avec de chaque côté un précipice de 600 mètres. De cette crête, en regardant vers le sud, le mont Aora΄i semblait être un sommet conique ; mais à son approche, il s’est avéré que c’était une paroi verticale. Le seul accès était un sentier étroit, avec de chaque côté des précipices, qui surpassait en pente ceux qu’ils avaient déjà franchis. La largeur de la crête dépassait rarement 60 centimètres ; et dans certains cas, ils s’asseyaient dessus à califourchon, ou étaient obligés de se mettre à quatre pattes pour traverser les broussailles. Enfin, ils atteignirent le sommet, où ils trouvèrent à peine de la place pour se retourner. La crête ne se prolongeait que sur une courte distance et était ensuite coupée par la vallée de Punaauia[8].
Du sommet d’ Aora΄i [9], ils avaient une vue magnifique; au sud, elle fut rapidement délimitée par les pics d’Orohena[10] et de Pitohiti[11], dont les versants escarpés s’élevaient de la vallée située au-dessous d’eux ; à l’est, ils avaient la succession de crêtes et de gorges qui caractérisent les paysages tahitiens ; à l’ouest, Mo΄orea [et Tetiaroa][12] se détachaient à l’horizon de la mer par une série de crêtes déchiquetées ; au nord, ils dominaient la plaine parsemée de bosquets de cocotiers et d’orangers ; et sur le port, avec ses navires et les récifs de coraux qui l’entourent.(…) »
Charles Wilkes précise dans son récit que peu de Tahitiens à l’époque se sont rendus au sommet, ces derniers s’arrêtant généralement à hauteur des zones fruitières. Plus haut le passage est difficile d’accès et l’eau rare. « Le manque d’eau qui, après quelques jours de temps sec, se fait rare même dans les vallées élevées, était une contrainte supplémentaire. Il est recommandé aux futurs voyageurs qui se rendent dans les montagnes de Tahiti de prendre des dispositions pour pallier cet inconvénient. Le groupe était tellement affligé que de profiter de la rosée sur les feuilles était comme un luxe. »
Cette ascension permet également de lever le voile sur la nature géologique de l’île : « M. Dana a signalé que la visite à Aora΄i avait définitivement conclu un point discutable de l’origine géologique de l’île. Il n’a trouvé sur son sommet ni coraux ni « coquilles à vis » », souligne dans ses écrits Charles Wilkes.
Texte : à partir de l’étude de Robert Veccella et des extraits de l’ouvrage de Wilkes Charles, Narrative of the United States’ Exploring Expedition during the Years 1838, 1839, 1840, 1841, 1842, Condensed and Abridged, édité à Londres en 1845 chez Whittaker and Co. – Photos : droits réservés SPAA – Archives PF
Le journal mensuel gratuit d’informations culturelles Hiro’a du mois de juillet (N°142) est sorti. Disponible aux points habituels ou bien téléchargeable depuis le site www.Hiroa.pf ou les autres sites partenaires.
Au sommaire : – guillaume Molle, Émilie Nolet et Louis Lagarde, chercheurs du centre international de recherche archéologique sur la Polynésie, – Sports et tradition, – Deux pirogues au mouillage à Nantes, – Deux livres pour héritage, – Te tahi mau fa’a’ohipara’a nō te ’ie’ie, te ’ō’aha, te ’ōfeo ’e te ’ofe – Un dauphin d’acier pour veiller sur les siens, – Le chant porte sa voix au Heiva i Tahiti, – Le musée de Tahiti et des îles se met au reo tahiti, – Quatre nouveaux titulaires de la carte d’artiste professionnel, – L’ascension américaine du Mont Aora’i, – Avenue Pōmare V, hommage au dernier roi de la dynastie Pōmare, – Redécouvrir le tiki a Moke.
Quand le pont de la Papenoo se cherchait un nom. Article à retrouver également dans le magazine culturel (version papier ou numérique) du mois de juin, n°141.
Ces dernières années, des épisodes pluvieux ont par deux fois entraîné des inondations importantes sur la côte est. On oublie qu’autrefois ces événements se répétaient plusieurs fois dans l’année, isolant les districts de Tiarei et Hitiaa. En 1918, le gouverneur Gustave Julien se mobilise pour la construction d’un pont à Papenoo afin de permettre l’essor agricole de ces terres généreuses. Pour le remercier de son engagement, nombreux voulurent le baptiser Julien…
Le 25 juin 1918, le gouverneur Julien débute une « tournée agricole » autour de l’île de Tahiti. Le compte rendu commence à paraître dans le Journal officiel des établissements français d’Océanie du 1er septembre 1918. Ainsi, on peut y lire que le gouverneur s’est longuement arrêté à Papenoo afin de visiter les travaux préparatoires du pont qui doit surplomber la rivière. Une rivière qui « tant de fois, au cours de l’année, coupe les communications avec les districts de Tiarei et de Hitiaa. Cette rivière torrentueuse est celle qui roule, à l’époque des pluies, le plus gros volume d’eaux. En quelques instants elle gonfle au point de rendre impossible toute tentative pour la traverser. Ces crues durent parfois plusieurs jours ». Pour le gouverneur, il s’agit, avec la construction de cet édifice (décidé au moment de l’établissement du plan de campagne de 1918), de remédier à une situation néfaste pour le développement agricole d’une partie de l’île. « Si les travaux marchent normalement et que la main-d’œuvre ne fasse pas défaut, le pont de Papenoo pourra être ouvert à la circulation avant la fin de l’année. Il contribuera largement à la renaissance agricole d’une région restée trop longtemps négligée, presque abandonnée. »
Un nom pour le pont
Alors que son achèvement semblait proche, apparut l’idée d’attribuer au pont un nom. Edouard Ahnne, le président de la Chambre d’agriculture de l’époque, propose immédiatement le nom du gouverneur : « (…) dès son arrivée dans la Colonie, M. le gouverneur Julien, malgré tant d’autres préoccupations plus graves, s’est constamment occupé de développer et d’améliorer les voies de communication. Les agriculteurs ont été les premiers à bénéficier de ces améliorations qui leur permettent de transporter leurs produits au chef-lieu d’une manière plus sûre et plus rapide.
La construction du pont de Papenoo constitue un avantage inestimable pour tous les propriétaires de la côte est de Tahiti. Il ne serait que juste que le nom de celui qui a eu l’initiative de ce beau travail, qui a fait tous ses efforts pour le mener rapidement à bonne fin, y restât attaché de manière durable. »
Cette demande est appuyée par celle du chef du service judiciaire, Hector Simoneau, lui-même plusieurs fois confronté à la dangerosité des cours d’eau à traverser à gué, notamment à Tautira et à Papenoo. « Plus d’une fois, (…) les harnais de sa voiture ont été brisés par la violence du courant et il n’est sorti de ces mauvais pas que grâce au dévouement d’indigènes accourus pour lui porter assistance », peut-on lire dans un document archivé au SPAA.
Faua, président du conseil des districts, représentant la population de Tiarei y est également favorable et le fait savoir en tahitien dans un courrier adressé au gouverneur : « Attendu que ce pont sera pour nous d’un grand secours, capable d’améliorer sérieusement la situation des habitants ;
« Attendu que jusqu’à l’ouverture des travaux de construction du pont, nous pouvions nous considérer comme délaissés et que grâce à votre initiative, vous venez d’ouvrir toute grande notre route ;
« Attendu que de l’avis de toute la population du district et le mien, le nom des bienfaiteurs ne peut et ne doit être laissé dans l’oubli […] »
Événements climatiques et retard
Malgré ces marques de reconnaissance, le gouverneur Julien n’y est pas favorable, arguant que « l’œuvre éphémère ou durable d’un gouverneur ne se juge bien qu’avec le recul du temps ». Les événements lui donneront raison. À la fin de l’année 1918, l’inauguration du pont de Papenoo passe en arrière-plan de l’actualité. En effet peu après l’annonce de la Victoire et l’armistice du 11 novembre, la grippe espagnole s’abat sur Tahiti et met, pour plusieurs semaines, un coup d’arrêt à toutes les entreprises humaines. Dans le JO des EFO du 1er janvier 1919, le gouverneur déclare « qu’il y a nécessité de prolonger jusqu’au 28 février 1919 la durée de la période pendant laquelle devront être exécutés, dans la limite des crédits ouverts, les travaux et fournitures ci-dessous : […] Construction de ponts sur les deux bras de la rivière Papenoo […] » Mais le mauvais sort semble s’acharner. Un épisode pluvieux s’abat sur l’île la dernière semaine de janvier et la première de février causant des dommages considérables. « […] Les travaux en cours d’exécution, le pont de Papenoo en particulier, ont été plus particulièrement éprouvés. Ce dernier ouvrage, contre lequel sont venus s’amonceler des quantités de gros arbres entraînés par le courant, a été miné par les affouillements à ses deux extrémités. Trois culées, deux sur la rive gauche et une sur la rive droite, ont été démolies. Le lit de la rivière, complètement transformé, ne permettra pas la réédification de l’ouvrage tel qu’il avait été primitivement conçu : il faudra vraisemblablement franchir les deux principaux bras de la Papenoo par le moyen d’un tablier-cage en fer d’une plus grande portée. Ce qui reste de l’ouvrage est parfaitement utilisable mais les communications d’une rive à l’autre, qui étaient près d’être assurées, ne le seront évidemment plus que lorsque l’introduction dans la Colonie des fers et aciers nécessaires à ces genres de construction sera redevenue possible », peut-on lire dans le JO des EFO du 15 février 1919.
Le gouverneur Julien, sur le départ, en appelle alors au courage pour poursuivre les travaux, soulignant que de manière générale le développement des infrastructures a provoqué « une recrudescence de vie » sur l’île avant de conclure ainsi : « […] Au travail, donc, avec courage et sans jamais vous rebuter. Soyez les poilus de la mise en valeur des trésors de vos îles. »
L’ouvrage sera finalement inauguré neuf ans plus tard, en 1928, et porte encore le nom de « pont de la Papenoo ».
Légende photo du pont : pont de papenoo – côté Tiarei – 12 janvier 1926 (droits réservés SPAA – Archives PF)
Service du patrimoine archivistique et audiovisuel (SPAA) – Te piha faufa’a tupuna
Rencontre avec Sébastien Damé, responsable du département du patrimoine audiovisuel multimédia Internet au sein du Service du patrimoine archivistique et audiovisuel.
Texte : à partir de l’étude de Michel Bailleul.
Le journal mensuel gratuit d’informations culturelles Hiro’a du mois de juin (N°141) vient de sortir. Disponible aux points habituels ou bien téléchargeable depuis le site www.Hiroa.pf ou les autres sites partenaires.
Au sommaire :
– Dix questions à Myrna Tuporo, dite Mama Iopa, présidente du jury du Heiva i Tahiti 2019
– Cinematamua fait son festival
– Un club de lecture à la bibliothèque
– ‘Ori i Tahiti célébrera Âià sur le marae Arahurahu
– C’est parti pour le 25e Heiva des écoles !
– Te tahi mau fa’a’ohipara’a nō te ’ava, te ’ava’ava-i-ra’i ’e te ’āvaro
– 31e Heiva Rima’i : rendez-vous avec les traditions
– L’épopée de Tu Makinokino racontée par le Conservatoire
– Quand Cook et Banks rencontrèrent Tupaia
– Atelier : jouez les apprentis pilotes
– Des sociétés spécialisées au chevet des ti’i/tiki
– CMA : premières promotions pour des diplômes nationaux
– Aide aux associations culturelles : le Casa étudie vos projets
– Quand le pont de la Papenoo se cherchait un nom
Bonne lecture à toutes et à tous !
Le journal mensuel gratuit d’informations culturelles Hiro’a du mois de mai. Disponible aux points habituels ou bien téléchargeable depuis le site www.Hiroa.pf ou les autres sites partenaires.
Au sommaire :
– dix questions à Viri Taimana, directeur du Centre des métiers d’art
– L’art marquisien s’installe à Ma-ma’o
– Concert To’are : baptême du feu pour Eono
– Matières, motifs et mandalas
– Hina, Maui… un mythe au théâtre
– Te tahi nau fa’a’ohipara’a faufa’a nō te ‘aute ‘e te ‘autī
– Une autre idée de la nacre
– Une carte de Pape’ete datant de 1897 révèle ses secrets
– Soirée disco pour les 40 ans du Conservatoire !
– Artisan entrepreneur, ça s’apprend !
– Le maro ‘ura ou le retour d’un symbole royal en Polynésie
– Les grands ti’i de Ra’iva-vae restaurés
– L’avenue Pierre Loti, hommage à l’écrivain voyageur
– Tramway à Tahiti : un projet nommé Désir
+ programme + actus + zoom sur ….
Bonne lecture à tous !