En 1881, le Commandant Commissaire de la République Isidore Chessé décide de donner une structure officielle à la fanfare locale, « considérant que […] c’est à peu près le seul délassement public à Papeete ». (Arrêté du 5 avril 1881, Messager de Tahiti n°17 du 29/04/1881) Un crédit est inscrit au budget de la Colonie ; il est divisé en deux parties : pour les musiciens d’une part, pour l’habillement, l’entretien et le remplacement des instruments d’autre part. Il y a un chef de musique, 15 musiciens et 5 élèves. Des retenues sur les sommes allouées sont prévues en cas de manquement aux répétitions ou aux exécutions. La fanfare pourra être mise à la disposition des particuliers.
Le 19 novembre 1889, dans une lettre qu’il adresse au Chef de la fanfare, le Directeur de l’Intérieur P. Maigrot se plaint du fait que les musiciens, depuis quelque temps, saisissent « le moindre prétexte pour ne pas jouer sur la place du Gouvernement ». « La fanfare locale, rétribuée sur les fonds du budget local, doit jouer deux fois par semaine, si par suite d’une circonstance fortuite le concert ne peut avoir lieu au jour indiqué, il importe que ce concert ait lieu, soit le lendemain, soit le surlendemain. » Il rappelle le devoir d’assiduité ainsi que la possibilité de sanctions financières.
Le samedi 25 janvier 1890, il pleut et le concert prévu ne peut avoir lieu. Le Directeur de l’Intérieur, dans une lettre qu’il adresse le 27 au Gouverneur, raconte : (Le lendemain dimanche) « Je fus très étonné à 8 heures 1/2 du soir d’entendre la fanfare, je crus que cette société, sans m’en avoir demandé l’autorisation, se faisait entendre dans une maison particulière, néanmoins je voulus m’en rendre compte. Quel fut mon étonnement, lorsque sur la place du Gouvernement, je vis le kiosque de la musique éclairé et les musiciens à leur poste. […] Je donnai immédiatement l’ordre de cesser le concert. » Interpellant le Chef pour lui demander qui avait autorisé cette prestation, ce dernier lui répond que c’était en raison des termes de la lettre qu’il lui avait adressée le 19 septembre.
Le Chef de musique a tort sur deux points. D’une part, il n’a pas demandé l’autorisation, qui lui aurait été refusée parce que, d’autre part, il s’agit du dimanche. Or « la question de la musique du Dimanche est toujours restée en suspens. »
Le Directeur de l’Intérieur est mal à l’aise dans cette histoire. En effet, il craint d’être la cible d’une manœuvre : « Je laisse à votre haute appréciation, Monsieur le Gouverneur, le soin d’examiner si ce fait, si simple par lui-même, n’est pas le résultat d’une cabale, car, si le concert avait été exécuté en entier, on n’aurait pas manqué de faire les réflexions suivantes – que le Directeur de l’Intérieur intérimaire, profitant de l’absence momentanée de Papeete du Chef de la Colonie[1], voulant faire de la popularité malsaine, a rétabli de sa propre initiative les concerts du Dimanche ». L’on retrouve cette ambiance « coloniale » faite de petits complots, de suspicion, de ragots, de méfiance…
On apprend que « les concerts du Dimanche » ont existé, et qu’ils ont été « suspendus ». Doit-on voir là un aspect du conflit latent entre l’administration et les missions religieuses ?
Maigrot demande envers le Chef de la fanfare « une punition disciplinaire sévère ».
Le dossier d’archives ne permet pas de voir la suite donnée à cette requête.
Mais dans une lettre du 22 novembre 1890, le Chef de la fanfare invite le Gouverneur à bien vouloir honorer la fanfare « en assistant à la messe qu’elle fera célébrer à la cathédrale de Papeete, le samedi 22 du courant, à 8 heures du matin, à l’occasion de la fête de Sainte-Cécile».
[1] Le Chef de la Colonie, Théodore Lascascade, est absent du territoire du 29 octobre 1889 au 1er juillet 1890. C’est son Directeur de l’Intérieur Maurice d’Ingremard qui devient pour cette période Gouverneur par intérim, tandis que le rédacteur de la lettre, P. Maigrot, devient Directeur de l’Intérieur par intérim.
Cette lettre est une feuille de format 20,8×26,4 cm, qui a été pliée en deux verticalement. Sur la moitié gauche figure la lettre d’Isabelle, sans doute de sa main, en tahitien ; la mention « faire traduire » est écrite au crayon en diagonale en haut à gauche, et à l’encre « transmis à Monsieur l’Ordonnateur, le 13 7bre 1876 / Le Commandant ». Sur la moitié droite : la traduction en français.
Isabelle est née à Moorea le 19 décembre 1850, et décèdera à Arue le 4 décembre 1918. Son père, William Shaw, était un commerçant anglais, et sa mère, Teina Tohi, une femme de Moorea.
Sa beauté n’échappe pas au prince Tuavira (Joinville), dernier fils de la Reine Pomare (né le 17 décembre 1847). À 20 ans, il l’épouse le 17 juin 1868. Pour la famille royale, c’est une mésalliance que Pomare IV va effacer en faisant adjoindre le titre de princesse au nom de sa bru. De leur union est né un fils, le 2 août 1869 : Teriihinoitua a Tuavira, qui sera plus connu sous l’appellation Prince Hinoi.
Phtisique, le prince Joinville meurt le 9 avril 1875. Il est à remarquer que dans le compte-rendu des obsèques officielles (Le Messager du 17 avril 1875), il n’est aucunement fait mention de la princesse et de son fils ; seule la douleur de la Reine Pomare est évoquée.
Le prince Teriihinoitua a été scolarisé à l’école des Frères de Ploërmel à Papeete.
En septembre 1876, la princesse fait état de difficultés financières pour continuer de payer les frais de scolarité : « n’ayant pas les moyens nécessaires pour subvenir aux frais que nécessite son éducation ». Elle sollicite du Commandant l’octroi d’une bourse. On peut lire en haut de la lettre, au crayon et en diagonale sur les deux moitiés : « non accordée ».
Isabelle serait-elle abandonnée par la Reine ?
Il est avéré que la famille royale, dans l’ensemble, est criblée de dettes. La demande d’Isabelle n’a donc rien d’étonnant. Sa situation va vite trouver une solution.
Le prince héritier Ariiaue (36 ans), qui a épousé Marau (14 ans) le 28 janvier 1875, ne s’entend guère avec cette dernière, et la délaisse. Après le décès de son frère, il prend la jeune veuve Isabelle (25 ans) comme concubine.
À la mort de la Reine Pomare IV, le 17 septembre 1877, une ordonnance du Roi précise que « Le revenu du domaine royal, ajouté à la dotation payée par le gouvernement français, formera un fonds qui sera distribué entre les membres de la famille royale de la façon suivante : Six dixièmes au Roi […], Deux vingtièmes à la Princesse de Joinville ». Et enfin, le 29 juin 1880, le Commandant Chessé signe une déclaration dans laquelle on lit : « La pension accordée à la Princesse de Joinville sera réversible sur la tête du jeune Hinoi Arii, fils de la Princesse. Le jeune Hinoi sera de plus élevé aux frais du gouvernement français ».
Le Prince Hinoi va pouvoir recevoir l’éducation que sa mère veut pour lui. Pomare V aurait désiré que ce soit lui qui lui succède. Mais le Gouverneur met promptement fin à ces velléités : quatre jours après le décès du Roi, c’est Hinoi, qui vient d’être nommé Président de la Haute-Cour, qui amène le drapeau du protectorat, pour ne laisser flotter que le drapeau français.
Le 11 novembre 1905, le New Zealand Herald publie un long article sur la situation à Tahiti. Ce journal tient ses informations d’un article paru dans le New York Herald, rapportant les propos d’un scientifique français, Léon Gaston Seurat, revenant d’une mission dans les É.F.O. où il a étudié, entre autres, l’huître perlière . Il ressort de cette interview qu’à Tahiti règnent la désobéissance aux lois, l’immoralité, la corruption des fonctionnaires, etc, et que le Gouvernement français, dans son inaptitude à administrer ses colonies, pourrait abandonner ces îles. Après en avoir référé à son ministre de tutelle, le Consul français en Nouvelle-Zélande Robert Boeufve fait paraître un aricle dans ce même journal où il affirme que les déclarations attribuées à M. Seurat sont totalement imaginaires, en même temps qu’il dément les rumeurs d’abandon par la France de ses possessions dans les Mers du Sud. Il informe le Gouverneur des É.F.O. de cette démarche dans une lettre datée du 5 avril 1906.
Mais le 19 septembre 1906, il écrit au Gouverneur Jullien qu’il a dû officiellement démentir une information parue dans le Auckland Star, selon laquelle la France abandonnerait Tahiti et les îles dépendantes.
En effet, dans son numéro du 12 septembre 1906, le Auckland Star titre : « Britain and Tahiti – Withdrawal of French Troops ». Le Consul envoie cet article avec sa lettre. Nous en avons un brouillon de traduction. Tout l’article repose sur les affirmations de l’ancien Consul américain à Tahiti Dorence Atwater. Ce dernier (1845-1910) est un homme d’affaires, marié en 1875 à l’une des filles d’Alexandre Salmon, Moetia. Ce mariage « avec l’une des plus riches héritières de Tahiti, lui a apporté des biens territoriaux dans l’archipel et des intérêts dans les pêcheries de perles » (O’Reilly). À San Francisco, où il passe une bonne partie de son temps, il ne se prive pas de répandre la rumeur selon laquelle la France prépare l’abandon de sa colonie. Il se fonde sur des faits qu’il a constatés : « les autorités françaises semblent apporter à l’exécution de leurs plans en supprimant graduellement les magasins du gouvernement, les munitions, beaucoup de machines de valeur, et en rappelant les forces militaires et navales ».
Le 18 septembre 1906, un autre journal de Nouvelle-Zélande (le Poverty Bay Herald) a écrit : « TAHITI POURRAIT DEVENIR BRITANNIQUE » – M. Atwater, grand propriétaire à Tahiti, confirme l’information selon laquelle la France est prête à céder les îles à la Grande-Bretagne. M. Atwater dit que « l’Angleterre a toujours en sommeil une revendication sur cette possession. Les affaires y vont mal ; tout est hypothéqué ; le commerce du coprah est en déclin, il ne reste que la perle. Le correspondant du New-York Sun’s affirme que M. Atwater est parfaitement renseigné sur ces îles .»
Ces faits sont-ils exacts ?
Le 17 janvier 1905, le Ministre des Colonies Gaston Doumergue écrit au Gouverneur qu’il est d’accord avec son analyse sur le domaine d’Atimaono : « L’aliénation de ces terres serait de nature à apporter un palliatif à la crise économique qui pèse si lourdement sur votre économie ».
Le 31 mars 1905, le Gouverneur fait part au même Ministre de son inquiétude en apprenant « la suppression du détachement d’infanterie restant à Tahiti. […] Je ne puis qu’exprimer mon profond regret d’une telle mesure qui, concordant avec le départ de la Zélée, place notre colonie dans uns situation désastreuse ». De plus, il précise qu’il ne va plus pouvoir procéder, pour faire de sérieuses économies, à la réduction des effectifs de la Gendarmerie. Il regrette qu’on délaisse à ce point l’établissement de sorte que « le pavillon de la France n’y est plus appuyé d’aucune force [et] semble livré, par l’indifférence de la métropole, à toutes les manœuvres sinon à toutes les convoitises étrangères ».
Le 6 août, le Receveur de l’Enregistrement et des Domaines à Papeete écrit au Gouverneur à propos de « la remise aux domaines, pour être vendu au profit du Trésor, du Magasin des Subsistances ». Il précise : « Je l’ai visité et ai pu me rendre compte qu’il est en fort mauvais état, le bâtiment principal menaçant ruine et les autres étant eux-mêmes fort endommagés par le raz de marée du 7 et 8 février dernier ».
Vente de terres, départ des troupes, ventes de bâtiments : tout cela fait partie d’un plan de restrictions budgétaires et d’un redéploiement des forces, mais il n’en faut pas plus au Consul Atwater pour prédire le départ des Français, qui seraient vite remplacés par les Anglais… avec lesquels la famille Salmon a de grandes affinités ! L’article se termine ainsi : « M. Atwater est un gros propriétaire foncier à Tahiti, et fut le Consul des États-Unis d’Amérique pendant plusieurs années. Il a une connaissance approfondie des affaires du pays. Il semble sûr que le pavillon britannique va remplacer le pavillon français sur la plus belle de toutes les îles du Pacifique Sud.»
L’Océanie française est le premier journal en français paru à Tahiti. C’est un hebdomadaire de format 31×48 cm, paraissant le dimanche, du 5 mai 1844 (n°1) au 28 juin 1845 (n°60). Cette période correspond aux débuts de la guerre coloniale déclenchée par le fait que la Reine Pomare, refusant le protectorat, se retire à bord des navires anglais, puis s’exile aux îles Sous-le-Vent. (Elle reviendra à Tahiti en février 1847, ayant accepté le protectorat après la fin du conflit.)
Son fondateur est Edmond de Ginoux (1811-1870), arrivé à Papeete le 4 novembre 1843. Il est venu de France à bord de la frégate L’Uranie, à ses frais, avec le Gouverneur Armand-Joseph Bruat qui vient prendre ses fonctions aux Marquises après 4 mois et 13 jours de voyage, et qui, un mois et demi plus tard, décide d’aller s’installer à Tahiti.
Là, Edmond de Ginoux va exercer les fonctions de Procureur de Roi. C’est Bruat qui lui demande de rédiger un journal. Le 10 mai 1844, ce dernier écrit au Ministre des Colonies : « J’ai l’honneur de vous adresser 4 exemplaires d’un journal hebdomadaire que je fais publier à Taïti et dont Mr de Ginoux, récemment arrivé dans la Colonie, est le gérant et le rédacteur. Quoique cette feuille soit entièrement à ma disposition, mon intention est de faire supprimer la seconde ligne du titre [« Journal officiel de Taïti »] qui, dans certaines circonstances, pourrait nous attirer des embarras et mettre l’autorité en cause. […] Mr de Ginoux deviendra seul, vis à vis du public, éditeur-responsable. » Le journal sort de l’imprimerie lithographique du gouvernement.
Le SPAA a numérisé les dix-neuf numéros suivants : 36 (08/01/1845), 37, 38, 39, 40, 41, 42, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 58, 60 (29/06/1845). On n’a pas connaissance de l’existence d’une collection complète.
On peut y lire : des arrêtés et des proclamations (parfois traduites en tahitien) du gouverneur Bruat, des nouvelles locales, des nouvelles de France, des traductions d’articles de journaux anglais sur les affaires de Tahiti, des « billets d’humeur » du rédacteur à propos des mensonges divulgués par la presse anglaise, des avis au public, des annonces (« à vendre »), les mouvements de la rade de Papeete, des observations météorologiques.
À Paris, on n’est pas satisfait de l’initiative de Bruat. Répondant le 25 octobre 1844 à la lettre envoyée le 10 mai, le Ministre lui reproche vivement de proposer au public des informations qu’on ne connaîtra à Paris qu’après plusieurs mois (il s’agit en l’occurrence du récit des combats de Mahaena). « Mon intention est que vous supprimiez immédiatement la feuille en question […] et que vous renonciez à toute publication de cette nature.» Dans une autre lettre du 11 février 1845, il fait état des remarques peu diplomatiques de De Ginoux sur les capitaines anglais venant mouiller en rade de Papeete et reproche à Bruat de laisser la responsabilité des propos parus à leur rédacteur, alors qu’à l’évidence il a donné son consentement ; il lui renouvelle son injonction écrite dans sa dépêche du du 25 octobre. Bruat reçoit cette dernière huit mois plus tard. Le 29 juin 1845, il met fin au journal.
De Ginoux rentrera en France en septembre 1845.
(Principale source de renseignements : Edmond de Ginoux, Ethnologue en Polynésie française dans les années 1840, par Frédéric de la Grandville, L’Harmattan, 2001.)
Le document est une lettre de format 21,5×27,8. L’en-tête annonce : SOURCE MINÉRALE DE LA GRANDE BAIE – HITIRUA (ÎLES-SOUS-LE-VENT) – M. F. CHAUVEL, Propriétaire.
De Papeete, ce Monsieur Chauvel s’adresse au Gouverneur (il s’agit alors de Édouard Charlier, qui est gouverneur par intérim) le 17 mai 1907.
On apprend qu’en mars, il a demandé au gouverneur précédent (Philippe Jullien) de faire analyser une « eau minérale » provenant de sa propriété « Hitirua » à Raiatea. Cette analyse étant terminée, il en demande la publication au « Journal Officiel de la Colonie ». Il insiste pour que cette parution ne traîne pas afin de pouvoir « faire connaître ce résultat à l’étranger » au moyen d’un courrier qui partirait par le prochain voyage du Mariposa (lequel va arriver à Papeete le 2 juin pour repartir vers San Francisco le 6).
De fait, le résultat de l’analyse paraît dans le JO des ÉFO n° 22 du 30 mai 1907, pages 138-139. Elle est signée du Médecin-major Dubruel, chef du service de santé.
Quoique assez fortement minéralisées, [les eaux de la Grande baie d’Hitirua] se rapprochent par leur composition des eaux d’Oreza[1] et des Heeling springs[2] (U.S.). Quoique assez fortement minéralisées elles se mêlent avec le vin sans le décomposer et sont agréables à boire comme eau de table, grâce à la grande quantité d’acide carbonique libre qu’elles renferment. Les expériences thérapeutiques auxquelles je me suis livré ne sont pas de dates assez anciennes pour que je puisse en considérer les résultats comme définitifs. Cependant, vu leur composition, elles me paraissent recommandables dans les cas suivants : anémie, dysménorrhée des jeunes filles, chlorose, maladies bénignes des organes génitaux de la femme, rhumatisme, dyspepsie, névralgies et migraines; elle donneront probablement de bons résultats dans le traitement des maladies de la peau et particulièrement dans certaines formes d’eczéma. Je crois que l’emploi de cette source ne peut offrir que des avantages et que la colonie ne peut tirer que des profits de sa vulgarisation.
La publicité pour cette eau minérale apparaît dans le JO des ÉFO n° 35 du 29 août 1907, page 220.
De l’analyse, elle reprend les noms des maladies qu’elle est censée guérir. Elle « convient également, comme eau de table, pour les personnes bien portantes. D’une saveur piquante, agréable, elle peut être prise avec le vin, dont elle n’altère pas la couleur ». Il semble que la commercialisation soit commencée, car la publicité se termine par : « Adresser les commandes à M. F. Chauvel, propriétaire, Papeete (Tahiti) ». Cette publicité revient plusieurs fois ensuite. Cependant, sur le site de Tahiti Héritage, on nous dit que « La source de Hitiura située dans la baie de Faaroa a soulevé l’intérêt et cela à des époques différentes, mais n’a jamais été exploitée et reste toute naturelle ». On peut s’y rendre : « Un petit sentier qui démarre au Pk 17 de la route traversière,conduit à la source. Il monte d’abord sur la gauche puis s’enfonce ensuite en descendant légèrement sous la voûte ombragée d’une forêt de pistachiers. Environ 300 ou 400 mètres, plus loin le sentier traverse un premier cours d’eau puis remonte vers un petit talus. Sur l’autre rive, se dressent deux grands mape aux racines torturées. En s’approchant, on constate une légère effervescence de la rivière, créée par des bulles.
[1] Orezza : eau minérale naturelle française, dont la source se trouve en Haute-Corse.
[2] Healing spring : source thérapeutique.
Tentative d’établissement du protectorat de la France sur les îles Manihiki et Rakaana en avril 1889
Ce dossier d’archives comporte plusieurs pages rongées par la vermine, témoin des mauvaises conditions de conservations antérieures à leur prise en charge par les archives, mais l’ensemble reste parfaitement compréhensible. On y trouve trois sous-dossiers, dont les feuilles sont toutes de dimensions 20×31 cm :
- Le « Rapport de l’aviso le Volage sur le voyage à Manihiki » (cahier de 24 pages, dont 3 vierges)
- Les noms des rois et les listes des membres des gouvernements de chaque île (sur 2 pages)
- Les discours et déclarations :
- Discours du Commandant Poirot (3 pages en français, 3 pages en tahitien)
- Déclaration des Rois : demande de protectorat rédigée à l’avance (2 pages en français, 2 pages en tahitien)
- Déclaration d’acceptation de la demande rédigée à l’avance en cas de réussite de la mission (1 page en français, 1 page en tahitien).
Pour répondre aux préoccupations de certains milieux à Paris, le Gouverneur Lacascade s’embarque le 23 mars 1889 à destination de Rurutu et Rimatara afin d’y établir le protectorat avant que les Anglais ne le fassent pour leur compte.
Dans le même esprit, il envoie l’aviso le Volage vers deux îles du Nord de l’archipel des Cook, Manihiki et Rakaana (Rakahanga), deux atolls proches l’un de l’autre et dont les habitants ont un passé et une langue (proche du tahitien) communs. Le départ a lieu le 1er avril. Le Commandant Poirot emmène avec lui un natif de Manihiki, Takai, qui a persuadé les autorités de la colonie que ses concitoyens ne demandaient pas mieux que d’être sous le protectorat de la France. Mais il s’avère qu’il n’est qu’un chef déchu depuis de nombreuses années par un cousin rival, Iete, et que la situation sur place n’est pas si simple. Il y a un Roi dans chaque île, avec chacun son gouvernement, en tout 42 personnes qui doivent être réunies pour prendre les grandes décisions.
Arrivant à Manihiki, ils apprennent – heureux hasard ! – que le Roi Iete et tous les membres de son conseil étaient partis à Rakaana pour l’inauguration d’un temple.
Dans cette île, le Commandant Poirot va être confronté à une situation qu’il n’avait pas envisagée : les deux îles sont sous la coupe de deux pasteurs protestants anglais qui ont interdit à la population et à ses dirigeants d’entamer toute discussion et d’accepter des cadeaux venant des Français. Aussi l’officier, qui apprend ces choses par ses interprètes, se heurte-t-il au mutisme et à l’inertie des deux Rois, dont l’attitude lui fait comprendre qu’en fait, on attend de lui qu’il s’en aille au plus vite. C’est ce qu’il fait. En ramenant Takai dans son île de Manihiki, il apprend de la bouche de ce dernier que les Rois Iete et Tefainaitu étaient prêts à accepter le protectorat, mais qu’ils n’avaient pas osé s’opposer aux pasteurs.
En conclusion, le Commandant Poirot se demande si on peut dire que cette mission, qui n’a pas réussi, a été inutile : « Nous avons fait une reconnaissance. Le terrain est maintenant connu et on sait contre qui on aurait à lutter. » Il est de retour à Papeete le 12 avril.
En France, le Journal des Débats écrit : « Ce qui ressort surtout de l’excursion du Volage, c’est qu’il n’y a aucun intérêt pour la France à ajouter Manihiki et Rakaana à la liste déjà nombreuses des îles d’Océanie sur lesquelles flotte notre pavillon. […] C’est encore là une conquête que nous pouvons sans regret abandonner aux Anglais, si toutefois ils en veulent. » En 1888, la Reine Makea de Rarotonga avait demandé le protectorat britannique, craignant « l’invasion imminente » des Français. Le 9 août 1889, le Commandant A.C. Clarke proclame le protectorat britannique sur les deux îles où les Français étaient venus « en excursion »…
Le « Plan de la ville de Papeete et de ses environs » porte au dos le cachet « CONSTRUCTIONS ET FORTIFICATIONS – TAHITI ». Il a été dessiné pour la Direction de l’Artillerie de la place de Papeete, et il est daté du 25 novembre 1897.
Le support est une feuille de papier finement toilé, de 96,5 cm de longueur sur une largeur d’environ 69,5 cm. Cette feuille a été conservée pliée dans un format de 31,5 sur 20,5 cm. La lecture est malaisée aux pliures. Des trous de vermine sont les témoins d’une longue période de mauvaise conservation, antérieure à sa prise en charge par les archives.
Le dessin est exécuté à l’encre, avec une plume très fine.
Il est entouré sur trois côtés d’un cadre laissant une marge inégale de 2 à 3 cm. Dans la partie supérieure, le titre s’étale sur une marge non délimitée de 4 cm. Une première légende « Nature des bâtiments et des propriétés » est placée dans l’angle supérieur gauche. Dans l’angle supérieur droit est placée une deuxième légende, avec deux colonnes : « Édifices publics » et « Bâtiments militaires ».
Le plan est à l’échelle 1/5000è (1cm pour 50 m). Il est orienté S-SO (à l’inverse des représentations habituelles) et plaqué sur un fond de courbes de niveau (10 m) faisant bien apparaître les vallées et les rivières qui y coulent.
Sur ce document, nous lisons (entre parenthèses l’occupation aujourd’hui) :
Le positionnement des édifices publics
1897 | Aujourd’hui |
---|---|
l’hôtel du gouverneur | résidence du haut-commissaire |
le palais du Roi | assemblée territoriale |
le palais de justice | angle av. Gén. de Gaulle et av. Pouvanaa a Oopa, ministères et administrations |
l’hôtel du Directeur de l’Intérieur | à Mamao |
la cathédrale, le presbytère | librairie de la Mission catholique et collège A-M. Javouhey |
l’hôtel de Ville | marché côté rue Collette |
l’école publique de filles | mairie de Papeete |
l’école publique de garçons | bars et espaces de loisirs à l’entrée de la rue des Écoles |
l’établissement des Ponts et Chaussées | Fare Ute |
le temple protestant | Paofai |
la gendarmerie | école maternelle Paofai |
la prison | entre la rivière Tipaerui et le stade Bambridge |
le cimetière | entre la rivière Tipaerui et le stade Bambridge |
la Direction du port | office du tourisme |
les entrepôts | place Vaiete |
le sémaphore | sur les hauteurs du mont Faiere |
Les bâtiments militaires
1897 | Aujourd’hui |
---|---|
la caserne d’infanterie | palais de justice |
le quartier d’artillerie et le magasin à poudre | présidence |
le cercle des officiers | parking de l’Assemblée |
l’hôpital militaire | Vaiami |
le bâtiment des subsistances et de manutention | ancien immeuble Air France et commandement de la Marine |
la direction de l’artillerie | CESC |
le service des transports et le pavillon du chef du service de l’artillerie | face à la présidence |
le bâtiment des artifices | école Toata |
le dépôt de munitions | piscine municipale |
le poste pour les torpilles | Motu Uta |
l’hôtel du chef du service administratif | parc Bougainville |
le four à chaux | vallée de Sainte Amélie |
batterie, champ de tir, dépôt de munitions | hauteurs de Faiere et de Ste Amélie |
le hangar pour la baleinière | parking Paofai |
D’un point de vue stratégique, on a :
|
Les plantations
Les installations d’approvisionnement en eau
Les rivières et la côte
Le tracé des rues et leurs noms
1897 | Aujourd’hui |
---|---|
Avenue de Fautaua | Cours de l’Union Sacrée |
Quais de l’Arsenal, du Commerce et de l’Uranie | Boulevard de la Reine Pomare IV |
Rue Clappier | Rue Clappier |
Rue des Écoles | Rue des Écoles |
Rue de la Petite Pologne | Rue Gauguin |
Rue du Marché | Rue Albert Leboucher |
Rue Collet | Rue Colette |
Fortifications | Rue des Remparts |
Rue Nansouty | Rues Nansouty et Anne-Marie Javouhey |
Rue Bonnard | Rues François Cardella et Charles Viénot |
Rue Dumont d’Urville | Rue Dumont d’Urville |
Rue de l’Est | Rue du Maréchal Foch |
Rue de Rivoli | Rue du Général de Gaulle |
Rue de l’Ouest | Rue du Commandant Destremau |
Place Bruat | Place Jacques Chirac |
Rue Bougainville et Avenue Bruat | Avenue Pouvanaa a Oopa |
Avenue du Petit Thouars | Avenue Dupetit Thouars |
Rue Bréa | Rue Georges Lagarde |
Rue de la Glacière | Rue du Docteur Cassiau |
Rue de l’Hôpital | Rue de la Canonnière Zélée |
Rue du Four | Rue du chef Teriierooiterai |
Rue de l’Arthémise | Rue du 5 mars 1797 |
Rue de la Vénus | Rue Vénus |
Rue de la Gendarmerie | Rue du Lieutenant Varney |
Rue Neuve | Rue des Poilus Tahitiens |
Rue Cook | Rue Cook |
Rue Wallis | Rue Charles Drollet |
Ce petit livre (115×185 mm) est sans doute le plus ancien (1711) appartenant à la bibliothèque de la Société des Études Océaniennes. Il comporte en fait deux parties, comme deux livres réunis en un seul.
La première est titrée comme énoncé ci-dessus, avec en plus deux petits paragraphes, après AUTOUR DU MONDE, précisant son contenu :
Contenant une Description d’Achin, ville de Sumatra, du Royaume de Tonkin & autres Places des Indes, & de la Baye de Campeche.
Où il est traité des differens Terroirs de tous ces Païs, de leurs Ports, des Plantes, des Fruits, & des Animaux qu’on y trouve : de leurs Habitans, de leurs Coûtumes, de leur Religion, de leur Gouvernement, de leur Negoce.
La seconde partie est intitulée : TRAITÉ DES VENTS ALISEZ OU REGLEZ, DES VENTS FRAIS De Mer & de Terre, des Tempêtes, des Saisons de l’Année, des Marées, & des Courans De toute la Zone Torride – Par le Sr DAMPIER, Capitaine sur Mer – A AMSTERDAM, Chez PAUL MARRET, Marchand Libraire, dans le Beursstraat, 1701.
Ce livre n’est pas en très bon état, la reliure se détache en partie.
Une gravure (paysage exotique, sans doute en Inde, quatre personnages, flore, éléphant, serpent, animaux marins) fait face à la page de garde de la première partie, laquelle se compose d’une Préface, d’une Table et du récit des Voyages sur 351 pages. Sont insérés : deux cartes : le détroit de Malacca et la Baie de Campèche (qui se situe à l’ouest de la presqu’île du Yucatan) ; un plan du Fort St Georges à Madras ; deux gravures : Indiens et Hippopotame ou cheval marin.
Une rose des vents fait face à la page de garde de la seconde partie, laquelle comprend 104 pages.
Le livre se termine par une Table générale des trois tomes, sur 40 pages.
William Dampier (1652-1715) était un Anglais qui mena une vie d’aventures faites de négoce, de piraterie et d’observations scientifiques. Il écuma la côte Est de l’Amérique du Nord, les Antilles, la côte Ouest de l’Amérique du Sud (luttant contre les Espagnols), la Micronésie, l’Indonésie, les côtes de la Chine, de l’Australie et de l’Inde. Il a raconté ses activités parfois invraisemblables et ses expériences souvent dangereuses dans des ouvrages à grand succès. Ses descriptions des peuples et des milieux naturels des contrées qu’il visitait, ses talents d’hydrographe, son traité sur les vents et ses qualités de navigateur lui ont forgé une réputation durable, entachée cependant par sa personnalité autoritaire, brutale et grossière envers ses équipages.
(On notera qu’il navigua dans l’Océan Pacifique entre 1680 et 1681, entre 1683 et 1691 (traversée en 1686), entre 1699 et 1701, entre 1703 et 1707, entre 1708 et 1711.)
La lettre du Roi Pomare V est un feuillet de 4 pages, de format 21×27 cm. Le texte figure sur les deux premières pages, sur deux colonnes, en tahitien à gauche, en français à droite.
Le procès-verbal de remise du palais est un feuillet de 4 pages de format 20×31 cm. Le texte occupe trois pages. C’est un extrait certifié conforme des registres de transcription des actes de mutation immobilière, en date du 14 avril 1891 (deux mois avant le décès du Roi), délivré à « M. Dorence Atwater, propriétaire à Papeete » (Il s’agit du Consul des États-Unis à Tahiti, qui a épousé en 1875 une des filles d’Alexandre Salmon et de Ariitaimai).
La construction du palais royal (d’abord « palais de la Reine ») a commencé en 1859, mais en 1877, à la mort de Pomare IV, le bâtiment n’était pas encore habitable. Les retards étaient en grande partie dus à l’utilisation des fonds alloués vers d’autres dépenses.
Le 29 juin 1880, le Commandant Chessé signe une déclaration où l’on peut lire : Nous nous engageons à faire acquitter par le gouvernement de la République française les dettes laissées à sa mort par la feue Reine Pomare IV, mère du Roi, conformément à l’état qui en a été dressé, et aussi à faire terminer le plus tôt possible la construction du palais royal commencé
.
C’est le 21 juin 1883 que le Gouverneur remet au Roi le « palais achevé par le Gouvernement français en exécution de la convention du 29 juin 1880, ratifiée parla loi du 30 décembre de la même année ».
Pomare V reçoit « la pleine et entière propriété et jouissance de l’édifice dont il s’agit ».
Un plan de situation, que nous n’avons pas trouvé, était joint au procès-verbal. Une note anonyme précise les limites de la terre où s’élève le palais : « la rue de Rivoli, la rue de la Glacière, le boulevard extérieur et la barrière qui la sépare du Gouvernement et de la place publique ». Et il est précisé : « Cet immeuble devant, selon la volonté de S.M. Pomare V, désir auquel se rangent tous les autres membres de la famille, retourner au peuple tahitien après le décès de Sa Majesté, ne sera pas compris dans la masse à partager ».
La lettre du Roi est très cordiale. Il demande au Gouverneur Dorlodot des Essarts de transmettre « l’expression de ma gratitude à Monsieur le Président de la République [Jules Grévy] et au Ministre de la Marine [en 1883, quatre ministres se succèdent à ce portefeuille dont l’intitulé doit être complété par « et des colonies »]. Le Roi exprime aussi son contentement d’avoir placé sa famille et son peuple « dans les mains de la France ». On notera l’expression « mes affectueux sentiments » adressée au Gouverneur , petite touche chaleureuse dans une missive protocolaire.
La dernière ligne du texte, tant en français qu’en tahitien, est d’une écriture différente. Elle semble avoir été rajoutée, avant que le Roi ne signe, sans doute à sa demande : « Le Roi des Îles de la Société et Dépendances », rappel de son titre que le rédacteur avait omis !
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