Demande de renseignements des GRANDS MAGASINS DES NOUVELLES GALERIES de Rouen Décembre1908 – Mars 1909 (Dossier avec lettre, enquête et réponse)
Ce dossier comprend trois documents manuscrits : une lettre adressée au Gouverneur (Joseph François), une lettre de Victor Raoulx et un brouillon de réponse du Gouverneur.
La demande de renseignements est écrite recto/verso sur une feuille à en-tête de format 21,2×27,4. Elle est écrite par A. Mazeline qui « occupe un poste » dans cette maison dont le directeur est son « parent ». Elle est datée du 18 décembre 1908 et arrive le 14 février 1909 par le navire Mariposa.
Les Nouvelles Galeries est le nom d’une chaîne de grands magasins créée en 1897 sous l’appellation “Société Française des Grands Bazars et Nouvelles Galeries Réunis”, présente dans les plus grandes villes de France. Le 20 avril 1899, l’enseigne est simplifiée en “Société Française des Nouvelles Galeries Réunies ».[1]
L’auteur de cette lettre effectue une démarche personnelle. Il a « déjà séjourné aux Colonies et serait très désireux d’y retourner pour [s’] y établir ». Il a en projet de fonder à Tahiti « un petit comptoir, où l’on pourrait vendre dans de bonnes conditions, certains articles d’une vente assez courante» .
Il est conscient des difficultés (il a lu une brochure de l’Office Colonial de Paris), en particulier le coût du fret qui l’incite à choisir la vente d’articles « de luxe ou d’un certain luxe ». Il estime que le caractère bon marché des produits importés de pays proches comme la Nouvelle-Zélande ou l’Australie, vendus par des « maisons étrangères installées à Papeete », pourrait être concurrencé par des droits d’entrée réduits sur les produits français.
Il éprouve un « serrement de cœur» en voyant « le peu de parti que nous tirons de nos possessions». « Pensez-vous, demande-t-il au Gouverneur, qu’une maison vendant nos articles, ait chances de réussite, ou tout au moins de faire quelques affaires ?»
Il a deux autres demandes de renseignements. La première porte sur la possibilité de s’installer pour « des parents à la campagne qui viendraient peut-être avec moi et pourraient s’occuper d’élevage ou de cultures coloniales ». La deuxième concerne un produit spécifique : les phonographes, qu’il connaît bien, ayant fait « un stage d’un an dans la maison Pathé ».
« Je ne me fais pas d’illusions sur la vie coloniale », écrit-il. Heureusement pour lui ! Car la réponse va sans doute mettre un terme à son enthousiasme.
Le Gouverneur transmet cette lettre au Président de la Chambre de Commerce Victor Raoulx.
Celui-ci répond le 23 février 1909 sur un papier à en-tête de sa propre société. C’est sans doute l’homme tout indiqué pour répondre à la demande de renseignements. Il est propriétaire, à Atimaono (Papara) de plantations de canne. Une usine y produit du sucre et du rhum. Il est aussi importateur, représentant de la société bordelaise Tandonnet Frères (qui fusionnera en 1911 avec la société Ballande de Nouméa). Il s’attache à ne vendre « presque exclusivement que des produits métropolitains », écrit O’Reilly[2]. Mais son cheval de bataille, c’est la dénonciation de l’envahissement du commerce local par les ChinoisIl n’est donc pas étonnant que l’essentiel de son argumentation pour décourager les velléités de M. Mazeline concerne l’omniprésence des Chinois dans le commerce des É.F.O. Mais on comprend vite qu’en fait, c’est avant tout au Gouverneur nouvellement arrivé dans le territoire qu’il s’adresse : « Les Chinois ont complètement accaparé le commerce de détail et une grande partie du commerce de gros et avant longtemps, si des mesures urgentes et énergiques ne sont prises à leur égard, les autres maisons de commerce auront à leur céder la place ». Il regrette que les patentes délivrées aux Chinois n’aient pas été sévèrement limitées. Les « Asiatiques » auraient été mieux employés dans l’agriculture « dans laquelle ils excellent ». Conclusion : « l’entreprise projetée par M. Mazeline [a peu de] chances de succès ». Quant aux phonographes, ils « se sont bien vendus dans la Colonie » et le marché est saturé.
On peut penser que Victor Raoulx ne souhaite nullement voir un éventuel concurrent s’installer à Tahiti.
Le Gouverneur répond le 26 mars 1909. Il se contente de reprendre l’argumentation du Président de la Chambre de Commerce : « un petit comptoir pour le placement d’articles français ne me semble pas avoir aucune chance de succès », et cela à cause « de l’accaparement, par les commerçants asiatiques, de la majeure partie du commerce de détail et d’une grande partie de celui du gros dans les Possessions françaises de l’Océanie ».
[1] Source : Wikipédia.
[2] O’Reilly, <iTahitiens, Paris, 1975.
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