Intervention aux Tonga. Lettre du 9 mars 1853.
Le 9 mars 1853, le Ministre Secrétaire d’État de la Marine et des Colonies Théodore Ducos répondit à une lettre du Commissaire Impérial aux Îles de la Société, le capitaine de vaisseau Théogène-François Page, également commandant de la Division Navale de l’Océanie.
Il est aisé de connaître la teneur de la lettre de Page, car le Ministre la reprenait point par point.
De plus, pour une bonne compréhension de la situation, nous pouvons nous appuyer sur le livre de Caroline Duriez-Toutain, Présence et perceptions Maristes à Tonga, 1840-1900.
Il s’agit en effet d’une intervention française aux îles Tonga, plus précisément dans l’île de Tongatabu, nécessitée par des événements ayant menacé des missionnaires français.
« D’après les renseignements que vous avez reçus, des événements de nature fâcheuse se seraient passés aux Îles Tonga. Un chef animé d’une rage fanatique contre la religion catholique, aurait gravement maltraité nos missionnaires, pillé et démoli leur église et leurs cases, saccagé leurs plantations. Ce furieux, non content de persécuter notre culte aux Tonga, voudrait également l’anéantir aux Îles Wallis et préparerait, dans ce but, contre ces îles, une expédition prochaine. Enfin, nos navires de commerce ne pourraient plus se présenter avec sécurité dans l’Archipel placé sous sa domination ».
Comment ces renseignements sont-ils parvenus à Tahiti ? C’est le 27 juin 1852 qu’un missionnaire de Tonga, le père Calinon, s’embarqua pour aller décrire à Page la situation de la Mission catholique. Il semble que Page, dans un premier temps, ne s’intéressa pas à cette affaire (On le soupçonnait d’anticléricalisme). Mais sur l’insistance de l’évêque Tepano Jaussen, il finit par confier au lieutenant de vaisseau Belland, commandant la corvette Moselle, une mission d’enquête sur les faits rapportés par le missionnaire. La Moselle quitta Papeete le 29 octobre 1852, à destination de Sydney en passant par Tongatabu (Messager de Tahiti n° 6 du 31 octobre 1852).
La guerre avait éclaté le 20 mars 1852. Elle dura cinq mois. Elle portait le nom de « Guerre de Péa ». Il y a polémique sur les causes immédiates de cette guerre, mais sur le fond, il s’agissait d’une rivalité entre protestants wesleyens et catholiques, le roi George étant lui-même protestant.
Les catholiques et les païens se retrouvèrent retranchés dans un fort et assiégés par le roi.
Le 16 août, les chefs acceptèrent la paix offerte par le roi. Mais celui-ci fit détruire le fort et piller la Mission.
Le roi George avait soigneusement évité qu’on s’en prenne aux missionnaires eux-mêmes. En effet, au début de la guerre, un capitaine américain de passage l’avait averti des risques de représailles de la part de la France en cas d’incidents sur leurs personnes.
Lorsqu’il arriva à Tonga, le lieutenant de vaisseau Belland était porteur d’instructions précises, que le Ministre reprenait – et approuvait – dans sa lettre : « Éviter toute apparence d’intervention armée dans les affaires purement religieuses de ces tribus incivilisées, mais montrer par la présence de notre pavillon que nul ne pourrait impunément porter atteinte aux personnes ni aux biens de nos nationaux ». Il lui était aussi fortement recommandé de ne faire usage des canons qu’avec la plus grande réserve : « Ce n’est que dans les cas d’absolue nécessité qu’il faut, dans ces mers, employer la voie des armes ». Il ajoutait qu’il fallait aussi protéger les autres établissements européens (« commerciaux ou religieux ») afin d’être « en droit, dans les circonstances analogues, de réclamer les mêmes ménagements ».
Les missionnaires catholiques furent très mécontents de la façon dont Belland mena l’enquête. Rappelant qu’il était lui-même protestant, ils écrivirent : « Ni les missionnaires français, ni aucun des catholiques de l’île n’ont assisté aux discussions ».
La Moselle fut de retour à Tahiti le 9 mars 1853 (Messager de Tahiti n° 11 du 13 mars 1853).
Le père Calinon étant revenu à Tahiti, il reprit ses démarches pour que les torts que la Mission catholique avait subis à Tongatabu soient réparés. N’étant toujours pas écouté par Page, il capta l’attention de son successeur Du Bouzet, lequel s’inquiétait des velléités du roi George de se rendre à Wallis pour y étendre son autorité. Du Bouzet se rendit à Tonga en 1855. Il reconnut la responsabilité du roi dans la guerre de Péa et conclut avec lui une convention accordant la liberté de culte aux catholiques.
Cet accord allait dans la droite ligne des recommandations du Ministre : « Le Gouvernement ne peut, à aucun point de vue, rester indifférent aux efforts de ces hommes de foi et d’abnégation qui sont les véritables représentants de notre nationalité en Océanie ».
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