Lettre du contre-amiral de Corbigny au Ministre : Demande d’instructions pour la conduite à tenir vis-à-vis de Mgr d’Axiéri. 1881
Ce document comprend trois photographies correspondant aux cinq pages d’une lettre conservée aux Archives Nationales d’Outre-Mer (ANOM), sous la référence Océanie A118 C90. Le thème est celui des relations entre la Marine et la Mission catholique.
En 1881, le contre-amiral Charles-Paul Brossard de Corbigny (1822-1900) est commandant en chef de la Division navale du Pacifique. Il arbore son pavillon sur le cuirassé Triomphante (en service de 1869 à 1903, double propulsion voile/vapeur ) Le ministre de la Marine et des Colonies est Georges Cloué, officier de marine qui connaît bien l’Océanie.
La marine française y est très présente à cette période. Le Roi Pomare V a donné ses États à la France et les Marquises ont été « pacifiées » l’année précédente. Une administration nouvelle se met en place.C’est, pour la Mission catholique, une période difficile. La « concurrence » avec les pasteurs protestants est vive. La République ayant ouvertement affirmé son idéal laïque, elle pense qu’elle ne peut plus compter sur une certaine bienveillance des autorités nationales. Il s’ensuit un état permanent de méfiance, qui se retrouve dans des détails qui peuvent nous paraître mesquins, telle cette affaire protocolaire que le contre-amiral rapporte au Ministre, en souhaitant que des instructions précises lui soient données.
L’évêque de Tahiti, Monseigneur d’Axiéri (connu sous le nom de Tepano Jaussen), n’est pas venu saluer le contre-amiral faisant escale pour la première fois à Papeete, comme le veut le protocole. Leurs relations ne peuvent donc pas être officielles, ce qui ne les empêche pas de se rencontrer fort courtoisement à plusieurs reprises, l’officier ayant besoin de renseignements que l’évêque peut lui fournir. Ce dernier finit par se faire inviter à bord, ce qui fait dire au Ministre, dans une note en marge, qu’à son insu, de Corbigny s’est fait manipuler.
Autre souci pour le contre-amiral : il s’est cru obligé, à Taiohae, d’aller saluer en premier (avant la Reine) l’évêque des Marquises, Mgr Dordillon, « parce qu’il fallait passer devant sa demeure pour aller chez la Reine et qu’il posséde d’ailleurs dans le pays une situation morale des plus méritées».
Le Ministre note que les prétentions honorifiques des évêques est exagérée, en particulier en ce qui concerne les coups de canon pour les saluer : « Voir le rapport que j’ai adressé en 1869 (je crois) et à la suite duquel le salut de 7 coups a été présenté comme pouvant être fait. L’évêque avait quinze coups, ce qui est ridicule, et il veut encore quinze coups. Il faut revenir au chiffre réglementaire» .
Le ministre était venu dans les É.F.O. en 1869 précisément, pour régler les problèmes impliquant les missionnaires catholiques aux Gambier et aux Marquises, et il n’était pas tendre envers ces derniers.
De Corbigny, qui va prendre sa retraite en cette année 1881, s’est montré conciliant, ce qui a dû énerver Cloué… qui était de confession protestante.
1- Renseignements sur ce navire : Wikipédia, site intitulé : « Classe La Galissonnière (cuirassé) ».
2- Axiéri : nom d’un ancien diocèse disparu. L’évêque à qui est attribué un tel diocèse (il y en aurait 2000) était qualifié, jusqu’en 1882, d’évêque in partibus infidelium (“en pays des infidèles”). À Tahiti, l’évêque de l’époque est à la tête d’un vicariat apostolique, c’est-à-dire une région en voie de christianisation, en attendant de devenir évêché.
3- La reine Vaekehu.
4- Dans le Code des préséances et des honneurs civils, militaires, maritimes, ecclésiastiques et funèbres (Paris, 1845), il est écrit que pour les archevêques et évêques, il sera tiré cinq coups de canon.
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