Lettre du Lieutenant de vaisseau Destremau commandant les troupes à M. le gouverneur des Etablissements français de l’Océanie du 2 septembre 1914
Ce document est un feuillet de 4 pages de format 19,5×29,6. La lettre est écrite à l’encre bleue sur les deux premières. On lit sur l’en-tête pré-imprimé « Division navale d’Extrême-Orient / Canonnière Zélée / Le Lieutenant de Vaisseau Destremau / Commandant » – à la suite de ce mot, les deux mots « la Zélée » sont barrés et remplacés par « les Troupes ».
Maxime Destremau est Commandant de la Zélée, navire stationnaire français dans le Pacifique, depuis décembre 1913. William Fawtier est nommé Gouverneur des É.F.O. en mars de la même année.
À Tahiti, on ne dispose pas encore de la radio : une station de téléphonie sans fil – TSF – ne commencera à fonctionner que le 29 décembre 1915. En attendant, en dehors du courrier qui met plusieurs semaines à parvenir d’Europe, on se contente des nouvelles apportées par les radios des navires de passage à Papeete. Dès le 2 août, Destremau apprend par la radion du Montcalm que le processus des déclarations de guerre est engagé ; les ordres laissés par le contre-amiral Huguet sont précis : il faut défendre Tahiti et ne laisser en aucun cas ni la Zélée ni la colonie au pouvoir des Allemands. Le 8 août, Fawtier nomme Destremau commandant des troupes de la colonie. Ce dernier pense que des navires allemands de la marine impériale, évoluant aux Samoa ou plus loin dans d’autres colonies allemandes (Nauru, Carolines…), vont rejoindre l’Atlantique, et le risque est grand de les voir passer à Tahiti. Il entreprend alors de mettre la « capitale » Papeete en état de défense. La Zélée est désarmée, et ses canons sont disposés sur les hauteurs. De nombreuses autres mesures sont prises.
Mais l’ennemi est déjà sur place : les commerçants allemands ont pignon sur rue, et il convient de neutraliser leurs activités. Déjà, avant d’être désarmée, la Zélée a capturé le phosphatier allemand Walküre à Makatea, et l’a escorté jusqu’à Tahiti.
Le Gouverneur a chargé l’administrateur Charles Marcadé de faire une tournée aux Tuamotu et aux Marquises dans le but de faire cesse toute activité commerciale allemande, principalement celles de la S.C.O. (Société Commerciale de l’Océanie). Le commerce sur le trajet aller-retour Tahiti-États-Unis (ces derniers ne s’engageront dans la guerre qu’en 1917) est très surveillé car, comme le rappelle Destremau, « l’ordre du Ministre nous interdit d’envoyer dans un pays neutre des marchandises telles que le coprah ». Trente Allemands résidant dans la colonie, avec l’équipage du Walküre, sont internés au lazaret de Motu Uta. Comme il est question de les envoyer dans un pays neutre, Destremau estime que cela viendrait à l’encontre des directives du Ministre, car, excepté l’un d’eux, ce sont « des hommes susceptibles de nous combattre ». Ayant appris qu’en Allemagne, les Français sont réquisitionnés pour travailler, il propose au Gouverneur d’employer ces Allemands « comme travailleurs de la colonie, par exemple aux Travaux publics ». Fawtier n’est pas aussi sévère envers eux. Il s’en prend plutôt à leurs biens : ceux des plus fortunés (Meuel, Allgoewer, Lamprecht, Koeppen, Von Diesch, Jentsch, …) sont mis sous séquestre. Après le bombardement du 22 septembre, un arrêté stipule qu’une « contribution extraordinaire de un million de francs est imposée aux sujets allemands possédant sur le territoire de la Colonie des biens meubles et immeubles ».
Destremau juge beaucoup trop modérée l’attitude du Gouverneur. Ce dernier prend, le 19 octobre 1914, trois décisions : 1) les internés venus des îles (ÎSLV et Marquises) pourront y retourner ; 2) ceux qui voudront quitter la colonie pourront le faire à leurs frais ; 3) ceux qui résident à Tahiti resteront internés, et leur nourriture sera aux frais de la colonie.
Leur mésentente s’aggravant, Destremau d’abord, Fawtier ensuite, seront renvoyés en France.
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