Tentative d’établissement du protectorat de la France sur les îles Manihiki et Rakaana en avril 1889
Ce dossier d’archives comporte plusieurs pages rongées par la vermine, témoin des mauvaises conditions de conservations antérieures à leur prise en charge par les archives, mais l’ensemble reste parfaitement compréhensible. On y trouve trois sous-dossiers, dont les feuilles sont toutes de dimensions 20×31 cm :
- Le « Rapport de l’aviso le Volage sur le voyage à Manihiki » (cahier de 24 pages, dont 3 vierges)
- Les noms des rois et les listes des membres des gouvernements de chaque île (sur 2 pages)
- Les discours et déclarations :
- Discours du Commandant Poirot (3 pages en français, 3 pages en tahitien)
- Déclaration des Rois : demande de protectorat rédigée à l’avance (2 pages en français, 2 pages en tahitien)
- Déclaration d’acceptation de la demande rédigée à l’avance en cas de réussite de la mission (1 page en français, 1 page en tahitien).
Pour répondre aux préoccupations de certains milieux à Paris, le Gouverneur Lacascade s’embarque le 23 mars 1889 à destination de Rurutu et Rimatara afin d’y établir le protectorat avant que les Anglais ne le fassent pour leur compte.
Dans le même esprit, il envoie l’aviso le Volage vers deux îles du Nord de l’archipel des Cook, Manihiki et Rakaana (Rakahanga), deux atolls proches l’un de l’autre et dont les habitants ont un passé et une langue (proche du tahitien) communs. Le départ a lieu le 1er avril. Le Commandant Poirot emmène avec lui un natif de Manihiki, Takai, qui a persuadé les autorités de la colonie que ses concitoyens ne demandaient pas mieux que d’être sous le protectorat de la France. Mais il s’avère qu’il n’est qu’un chef déchu depuis de nombreuses années par un cousin rival, Iete, et que la situation sur place n’est pas si simple. Il y a un Roi dans chaque île, avec chacun son gouvernement, en tout 42 personnes qui doivent être réunies pour prendre les grandes décisions.
Arrivant à Manihiki, ils apprennent – heureux hasard ! – que le Roi Iete et tous les membres de son conseil étaient partis à Rakaana pour l’inauguration d’un temple.
Dans cette île, le Commandant Poirot va être confronté à une situation qu’il n’avait pas envisagée : les deux îles sont sous la coupe de deux pasteurs protestants anglais qui ont interdit à la population et à ses dirigeants d’entamer toute discussion et d’accepter des cadeaux venant des Français. Aussi l’officier, qui apprend ces choses par ses interprètes, se heurte-t-il au mutisme et à l’inertie des deux Rois, dont l’attitude lui fait comprendre qu’en fait, on attend de lui qu’il s’en aille au plus vite. C’est ce qu’il fait. En ramenant Takai dans son île de Manihiki, il apprend de la bouche de ce dernier que les Rois Iete et Tefainaitu étaient prêts à accepter le protectorat, mais qu’ils n’avaient pas osé s’opposer aux pasteurs.
En conclusion, le Commandant Poirot se demande si on peut dire que cette mission, qui n’a pas réussi, a été inutile : « Nous avons fait une reconnaissance. Le terrain est maintenant connu et on sait contre qui on aurait à lutter. » Il est de retour à Papeete le 12 avril.
En France, le Journal des Débats écrit : « Ce qui ressort surtout de l’excursion du Volage, c’est qu’il n’y a aucun intérêt pour la France à ajouter Manihiki et Rakaana à la liste déjà nombreuses des îles d’Océanie sur lesquelles flotte notre pavillon. […] C’est encore là une conquête que nous pouvons sans regret abandonner aux Anglais, si toutefois ils en veulent. » En 1888, la Reine Makea de Rarotonga avait demandé le protectorat britannique, craignant « l’invasion imminente » des Français. Le 9 août 1889, le Commandant A.C. Clarke proclame le protectorat britannique sur les deux îles où les Français étaient venus « en excursion »…
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